La stigmatisation empêche les gens d’aller chercher de l’aide

#VoirLaPersonne – Lori – Produit par Ville de Hamilton

Audio disponible en anglais seulement

Dr Lori Regenstreif – Spécialiste médicale en dépendances, département de médecine familiale, Université McMaster

Je m’appelle Lori Regenstreif, je vis et travaille à Hamilton, je suis médecin et spécialiste des dépendances.

Je pourrais difficilement dire que je n’ai qu’une seule histoire à rapporter, dans laquelle j’aurais été témoin de la stigmatisation vécue par un de mes patients, car pour la plupart de mes patients, il est chose courante de vivre la stigmatisation.

D’où vient cette stigmatisation? Je pense que les principaux facteurs sont à la fois systémiques, structurels et historiques. Je crois aussi que c’est une manifestation de la peur. Les gens ont peur qu’un être humain puisse être comme ça, que cela pourrait leur arriver car ils ont un proche qui a ce même problème, qu’ils pourraient finir de la même façon que cette personne effrayante.  L’autre aspect est la peur qu’inspire cette personne, alors que la plupart du temps elle est inoffensive.

Nous sommes entourés de gens qui sont aux prises avec de graves troubles liés à la consommation d’alcool ou d’opioïdes. Ils travaillent, ont des enfants, ont des familles, rentrent chez eux,  ils conduisent, ils font tout cela, ils paient leurs factures la plupart du temps, ils peuvent parfois avoir des problèmes financiers, mais ils ont des mécanismes de protection  qui leur permettent de passer inaperçu.  Il y a une très forte proportion de gens dans la société dans cette situation.   Il faut à ces gens beaucoup de temps avant de venir me consulter par crainte de stigmatisation et parce qu’ils ne s’identifient pas aux personnes de la rue que l’on reçoit. En même temps, à l’autre bout du spectre, se trouvent ceux et celles qui sont désespérés, qui ont tout perdu même s’ils n’avaient pas grand-chose en partant, mais qui ont perdu le peu qu’ils avaient que cela soit de l’argent, des relations, du soutien social, un  logement et bien sûr, nous allons voir ces gens.

La stigmatisation liée à la consommation de substances a des conséquences pour mes patients tant dans leur vie quotidienne que dans leurs rétablissement parce que je  crois fermement que cela les retient et les empêche de se rétablir car cela ajoute un obstacle à leur effort pour se rétablir… Les personnes évitent de se rendre à l’hôpital ou de consulter un médecin quand elles sont vraiment très malades, ou évitent de voir une infirmière ou une autre ressource parce qu’elles ont honte de ce qu’elles font et ont peur qu’on leur disent « Vous ne devriez pas faire ça, pourquoi n’arrêtez-vous pas ». C’est que généralement, les gens ne comprennent pas, ne sont pas sensibilisés ou n’ont pas la formation pour travailler auprès des personnes qui ont un trouble lié à l’utilisation de substances. Alors leur approche est extrêmement blessante.

Nous devons nous sensibiliser, sensibiliser nos proches, nos enfants, nos collègues de travail, nos étudiants si nous sommes enseignants, car ce sont vraiment nos proches et ceux dont nous prenons soin qui constituent notre société. Et si nous mettons en action tout ce dont je nous pense capables,  nous pourrons réellement commencer à sentir un changement.