La dépendance n’est pas un choix, c’est un problème de santé. La stigmatisation décourage les gens d’aller chercher de l’aide.

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L’utilisation de substances est souvent cachée – les gens souffrent de la stigmatisation en silence L’utilisation de substances est souvent cachée – les gens souffrent de la stigmatisation en silence

L’utilisation de substances est souvent cachée – les gens souffrent de la stigmatisation en silence

Dans ce discours déchirant, Petra partage l'histoire de Danny et l'idée que les personnes qui consomment des drogues sont des personnes comme les autres : des personnes qui méritent une chance d'être en sécurité et en bonne santé, et de vivre sans jugement ni honte.

L’utilisation de substances est souvent cachée – les gens souffrent de la stigmatisation en silence

Dans ce discours déchirant, Petra partage l'histoire de Danny et l'idée que les personnes qui consomment des drogues sont des personnes comme les autres : des personnes qui méritent une chance d'être en sécurité et en bonne santé, et de vivre sans jugement ni honte.

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Audio disponible en anglais seulement Petra Schulz: L’appel téléphonique qui a changé à jamais notre vie est survenu en janvier 2011. C’était un appel de notre plus jeune fils, Danny. Il habitait à Vancouver où il étudiait à l’école culinaire. Tout de suite, il m’a annoncé qu’il utilisait des drogues depuis un bon moment déjà et qu’il avait  maintenant de gros ennuis. Cela a dû être extrêmement difficile pour lui de se confier sur ce qu’il vivait. Comme son petit ami l’avait laissé, il n’avait plus d’endroit où vivre. Et puis il avait dépensé tout l’argent de son prêt étudiant et n’avait plus un sou. Il est revenu à Edmonton et alors, un cycle de traitement de désintoxication et de rechutes s’est amorcé. Chaque fois qu’il n’avait pas de drogue dans son système, nous nous disions que nous allions peut-être retrouver notre Danny. L’enfant que nous connaissions. Celui qui nous faisait rire, qui préférait une machine à écrire à l’ordinateur, et qui adorait les voitures classiques. Nous avons appris à la dure que ce n’est pas ainsi que fonctionne le trouble lié à l’utilisation de substances. C’était douloureux et effrayant pour nous de le voir aux prises avec les symptômes de sevrage. Le sevrage de drogue est bien pire que la pire des grippes. Et je me disais qu’il serait prêt à faire n’importe quoi pour éviter d’avoir à revivre ça, mais le besoin de drogue demeure longtemps après qu’elle soit disparue du système. Et ses problèmes sous-jacents n’avaient pas disparu. Maintenant, je comprends que dans son cas, il y avait plusieurs facteurs de risque. D’abord, il souffrait d’anxiété sociale parce qu’en tant qu’ado homosexuel, il avait été victime d’intimidation au secondaire. Mais aussi, ses difficultés d’apprentissage faisaient en sorte qu’il avait de la difficulté à contrôler ses impulsions. Danny s’automédicamentait. Il a commencé avec des opioïdes d’ordonnance qu’il se procurait illégalement. Lorsqu’il ne pouvait s’en procurer, il se rabattait sur les drogues de rue, plus dangereuses. Un jour, je lui ai demandé : « Danny, pourquoi consommes-tu ? ». Sa réponse m’a ouvert les yeux: « Quand je prends une de ces pilules, je peux entrer dans une pièce et être simplement moi-même ». Alors j’ai pensé : « Wow… ça ne devrait pas être si difficile pourtant. Il pourrait trouver d’autres façons d’arriver à ça sans utiliser des drogues ». La plupart d’entre nous ne consommons pas de substances de façon problématique, mais des gens qui consomment comme Danny, le font souvent à cause d’une douleur physique et émotionnelle ou d’un traumatisme. Au cours d’une discussion au sujet de Danny, mon mari Rick m’a dit : « Nous pourrions le perdre à cause de ça. Il pourrait en mourir. »  J’ai répondu : « Non, c’est impossible, impossible. On a les choses en main. Il va s’en sortir ». Dans notre famille, je suis celle qui se démène si quelque chose va mal. Alors, je croyais qu’on pourrait surmonter ça aussi. Mais l’information que nous recevions des services de santé n’était pas très utile. Personne ne nous a expliqué à quoi peut ressembler le traitement d’une dépendance aux opioïdes, ni ce qu’est la réduction  des méfaits, qui vise à ce que les gens soient aussi en sécurité et en santé que possible sans se sentir jugés ni ressentir de la honte. Il y a tant de choses que nous ignorions. J’ai appris l’existence de la naloxone, qui annule les effets d’une surdose, seulement après la mort de Danny. Les choses ont évolué mais pour Danny il était trop tard. Danny est retourné à Vancouver et il a continué à consommer des drogues. Une personne qui prend des opioïdes pendant une longue période développe une tolérance à celles-ci. Et l’effet de bien-être, de se sentir à l’aise est remplacée par le désir de simplement éviter les symptômes de sevrage. Danny avait besoin de doses de plus en plus fortes et il a alors commencé à se l’injecter. À cette époque, nous avions très peu de contacts avec lui et avons vécu de nombreuses nuits d’insomnie. Mais en 2012, alors qu’il vivait toujours sur la Côte ouest, Danny s’est dit enfin prêt à suivre un traitement à la méthadone. Plus tard cette année-là, il est revenu à la maison à Edmonton afin de reprendre sa vie en main. Nous pouvions enfin retrouver notre plus jeune à peu près comme nous l’avions connu autrefois. Il s’est trouvé un emploi dans l’un des meilleurs restaurants d’Edmonton et vivait dans un appartement tout près de son travail. Le dimanche, il venait dîner à la maison et l’une des plus belles images que je conserve de cette période est de le voir assis à la table de la cuisine en train d’aiguiser mes couteaux. Un bon chef tient toujours ses couteaux bien aiguisés et Danny tenait les siens et les miens bien aiguisés. Malheureusement, il n’a pas persévéré assez longtemps avec son traitement. Il a cessé de voir le psychologue parce que les séances entraient en conflit avec son horaire de travail, et il a cessé de prendre la méthadone avant de se stabiliser. Nous pensions à tort que la méthadone n’était qu’une drogue comme les autres et nous l’avons encouragé à cesser d’en prendre probablement trop tôt. Pour une personne suivant un traitement de substitution aux opioïdes, pour que cela soit efficace, la personne doit se stabiliser avant de pouvoir cesser le traitement. On n’imagine pas une personne souffrant d’un autre problème de santé se passer de ses médicaments. Mais nous le faisons dans le cas d’utilisation de substances et ce, en ne tenant pas compte des meilleures pratiques et de l’avis des médecins, ce qui entraîne souvent des conséquences dramatiques. L’effrayante  prédiction de Rick a fini par se réaliser. Danny a fait une rechute. Il a acheté un comprimé qu’il croyait être du faux oxycontin alors qu’il contenait plutôt du fentanyl. Le 30 avril 2014, Danny est mort seul dans l’appartement qu’il avait meublé avec tant de soin quelques mois plus tôt. Comme famille, nous avons dû prendre des décisions difficiles pour lesquelles nous n’étions pas préparés. La plus difficile fut de décider de ce que nous dirions pour expliquer son décès. Dire la vérité ? Comment trouver les mots ? En préparant les funérailles, nous avons appris qu’une éloge funèbre, c’est parler en bien d’une personne. Mais il était clair pour nous que pour parler en bien d’une personne, il ne faut pas mentir. Comment Danny a vécu, comment il est mort faisaient partie de lui. Alors nous avons raconté toute l’histoire. Une fois les funérailles terminées, nos amis, ses collègues de travail, tous étaient surpris. La consommation de substances est souvent cachée et Danny était un maître en la matière. Nous avons aussi été surpris par le nombre de personnes dans notre cercle d’amis qui nous ont confié que des proches vivaient un tel problème ou qu’eux-mêmes l’avaient vécu. J’ai alors pensé : « Où étaient donc ces gens ? Je n’en ai jamais rien su. » Et j’ai compris qu’ils avaient vécu la même chose que nous. Ils avaient souffert  de la stigmatisation en silence. Les surdoses ne font pas de discrimination. Cela peut arriver à n’importe qui, dans n’importe quelle famille. Lorsque le nombre de victimes s’est mis à augmenter sans que le gouvernement ne fasse quoi que ce soit, j’ai communiqué avec des représentants du réseau de santé et avec les médias. J’ai rencontré d’autres femmes partageant les même pensées, qui partageaient ma douleur mais aussi ma volonté de provoquer un changement.  Ensemble, nous avons formé le groupe Moms Stop the Harm [les mères pour la réduction des méfaits]. Ces gens, ce sont quelques-uns des êtres chers dont les membres du groupe sont en deuil.  Ils proviennent de toutes les couches de la société, sont de tous les genres. La plupart sont des jeunes hommes de 25 à 40 ans. La plupart ont eu des problèmes de santé mentale ou des traumatismes. Et la plupart sont morts quelque part, seuls. À la fin de cette journée, quand nous rentrerons tous à la maison, 11 personnes, oui, 11 personnes seront mortes d’une surdose au pays, au Canada. Imaginez si votre enfant mourrait d’empoisonnement en buvant l’eau du robinet et que de plus en plus de personnes mourraient aussi en buvant cette même eau. Vous laisseriez faire? Vous vous contenteriez d’être un simple spectateur ou vous passeriez à l’action ? Vous vous relèveriez les manches pour régler le problème ? Il faudra des changements profond pour régler cette crise. Les gens les plus affectés par cette crise de même que les experts en politiques publiques sur les drogues réclament des actions dans cinq domaines. Premièrement, il faut un accès sécuritaire et réglementé aux substances sur ordonnance pour les personnes qui en ont besoin, afin qu’elles ne soient pas forcées de s’approvisionner avec des drogues toxiques de la rue. Deuxièmement, il faut décriminaliser la possession de substances pour usage personnel afin que l’on puisse aider les gens plutôt que les emprisonner. Troisièmement, nous avons besoin de services de réduction des méfaits pour tous, partout, afin de garder les gens aussi en santé et en sécurité que possible. Quatrièmement, nous devons faciliter l’accès à des traitements basés sur des données scientifiques afin que plus personne ne meure en attendant d’être traité. Et cinquièmement, nous devons faire de la prévention en amont et nous préoccuper des causes sous-jacentes comme la santé mentale et les traumatismes. Nous devons mettre fin à la stigmatisation, à la honte et aux blâmes concernant les soi-disant mauvais choix des gens. C’est ainsi que nous aiderons ces gens à se confier et à demander l’aide dont ils ont besoin. La vérité, c’est que les personnes qui utilisent des drogues, comme notre fils Danny, sont comme vous et moi. Elles méritent d’avoir un avenir et elle méritent une chance. Cette chance, Danny ne l’a pas eue. Nous pensons à lui chaque jour et il nous manque terriblement. Avec sa mort, le rire a déserté notre famille et mes couteaux sont toujours émoussés. Je me demande souvent comment les choses auraient pu se terminer autrement pour Danny, pour nous et pour notre famille. Il est de notre responsabilité collective de nous assurer que l’histoire se déroule autrement pour vous et vos enfants. Et j’espère sincèrement que raconter l’histoire de Danny contribuera à ce que cela se réalise. Merci beaucoup.
Votre empathie et votre compassion peuvent contribuer à sauver une vie Votre empathie et votre compassion peuvent contribuer à sauver une vie

Votre empathie et votre compassion peuvent contribuer à sauver une vie

Et si la honte et la stigmatisation pouvaient être éliminées ? Et si vous pouviez les remplacer par de l'empathie et de la compassion ? Combien de vies pourriez-vous sauver ? Sarah Keast, veuve, écrivain et activiste, explore ces questions en partageant sa puissante histoire d'amour et de perte.

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Audio disponible en anglais seulement Sarah Keast: C’est l’une de mes photos préférées. Mais bien sûr, comme il s’agit de mes enfants, je manque d’objectivité en tant que maman. Et comme je travaille dans le milieu de la mode, j’adore les tenues que nous portons. J’aime l’agencement des motifs, comment nos vêtements s’harmonisent de façon subtile. J’aime les petites chaussures. Mais ce que nos vêtements ne disent pas, c’est l’état dans lequel nous étions ce jour-là. Je me rappelle de l’anxiété qui me déchirait les entrailles. Je me rappelle mes mains qui tremblaient comme une feuille. Je me rappelle la couche de mascara à l’épreuve de l’eau supplémentaire que j’ai appliquée matin-là. Mais je me souviens ce que mon cerveau me hurlait. C’était assourdissant, et cela ne me laissait pas tranquille : « Je ne peux pas croire que nous nous en allons à ses funérailles. Je ne peux pas croire que je vais enterrer mon mari. Je ne peux pas croire qu’il soit mort. » En août 2016, une semaine avant que cette photo ne soit prise, mon mari est décédé subitement. Là, je m’apprêtais à monter dans une auto avec mes deux filles de deux et cinq ans pour aller à ses funérailles. C’est une magnifique photo de famille mais cela me brise le cœur parce qu’il manque quelqu’un. Laissez-moi vous présenter mon mari. Il s’appelait Kevin. Il était unique. Kevin détenait une maîtrise en travail social et a travaillé pendant près de 10 ans dans les soins de longue durée aux aînés, puis pendant quelques années à l’unité des soins palliatifs d’un hôpital. Et Kevin disait toujours que ce qu’il aimait le plus dans son travail était d’avoir la chance de discuter avec des personnes âgées toute la journée. Il adorait les entendre partager leurs histoires. Kevin était un père formidable. Je me souviens que notre fille aînée, alors âgée de quatre ans, avait été invitée à une fête d’anniversaire sur le thème de l’Halloween. Les enfants comme les adultes étaient conviés à se costumer, mais bien sûr, aucun de nous ne l’a fait sauf Kevin. Le plus drôle dans tout ça, c’est que la fête avait lieu dans un parc public. Les gens qui étaient dans le parc ne savaient pas que Kevin était costumé, et il était habillé en rocker heavy metal avec  son legging à imprimé zèbre et sa perruque avec une coupe mulet. C’était un vrai témoignage de l’amour qu’il portait à ses enfants parce qu’en fait, Kevin détestait l’Halloween et détestait se déguiser. Kevin aimait beaucoup la politique et je ne peux pas croire tout ce qu’il a manqué depuis deux ans en politique, au Canada et aux États-Unis. Kevin adorait les tatouages et son corps en était couvert. C’est une forme d’art qu’il aimait vraiment. Sur une jambe, il s’était fait tatouer les lettres W D T S F. Il souriait comme un chat de Cheshire lorsque quelqu’un lui demandait : « Kevin, qu’est-ce que ces lettres signifient ? ». Il ne répondait pas, se contentant de rire et sourire. Et les gens insistaient : « Kevin, que signifient ces lettres ? » et Kevin ne répondait toujours pas et il se mettait à rire. Et encore : « Kevin, qu’est-ce que cela signifie ?» et alors ils finissaient par comprendre  « Ah… W D T S F ». [en anglais What Does That Stand For : qu’est-ce que ces lettres signifient]. La folie et l’humour de Kevin étaient ce qui me permettaient de passer à travers mes journées.  Il était mon meilleur ami et était l’une des meilleures choses qui me soient arrivées dans la vie. Mais une semaine avant que cette photo ne soit prise, ma famille a été détruite sans avertissement. Ces deux petites filles n’ont plus de père. J’ai vécu 16 ans avec celui qui fut l’amour de ma vie. Et je vivrai les 40 prochaines années et même plus sans lui. Mais ce que je ne vous ai pas encore dit c’est comment Kevin est décédé. La vérité, c’est que mon mari était dépendant de l’héroïne. Pendant les sept dernières années de nos seize ans de vie commune, il s’injectait de l’héroïne, seul, dans notre sous-sol et il est mort d’une surdose accidentelle à la maison. Pour tout le monde, nous formions cette famille merveilleuse, un jeune couple d’universitaires en amour avec deux magnifiques jeunes filles. En réalité, nous étions une famille brisée par la maladie mentale et le trouble lié à l’utilisation de substances, rongée par la honte et la stigmatisation. Nous avons mené une double vie pendant sept ans. Maintenant, j’ai une question à vous poser. Lorsque je vous ai confié que Kevin était décédé d’une surdose d’héroïne, quelle est la pensée qui vous a peut-être traversé l’esprit? Chaque fois que je prononce ces mots, j’ai un serrement au ventre. Je le dis avec courage et assurance, mais mon estomac se retourne et j’essaie de me contrôler et de ne pas rougir de cette honte qui m’assaille quand  j’avoue publiquement que mon mari était dépendant de l’héroïne. Parce que dans la liste officieuse des causes acceptables de décès, la surdose figure pas mal tout en bas. Dans une fête, je suis celle qui tue l’ambiance. Un des invités apprendra que mon mari est décédé et me dira avec gentillesse et sympathie  « Oh, mes condoléances. De quoi est-il décédé? ». Je le regarderai dans les yeux et répondrai : « D’une surdose d’héroïne ». Cela mettra fin à la conversation et je verrai l’horreur se peindre sur son visage. Ce jugement que je devine dans les yeux des gens, voilà ce que je veux combattre. Ce sentiment de honte qui m’habite lorsque je révèle que mon mari est mort d’une surdose d’héroïne, c’est ce que je veux éliminer.  Car c’est la même honte qui étouffe ceux qui sont aujourd’hui aux prises avec un trouble lié à l’utilisation de substances. Cette honte qui fait qu’ils souffrent en silence. Elle les suit comme un ombre et les empêche de demander de l’aide. Je le sais parce que c’est ce que Kevin et moi avons vécu. En 2004, Kevin a reçu un diagnostic de trouble anxieux généralisé et la stigmatisation associée à la maladie mentale l’a assurément maintenu au silence. Il a parlé de ses difficultés à quelques très rares personnes mais il voulait se sentir mieux. Il voulait se sentir autrement. Il voulait ressentir les choses. Il voulait se sentir normal. Sa maladie mentale a probablement été un facteur dans son utilisation de substances, mais  jamais dans cent ans j’aurais pu imaginer qu’il essaierait l’héroïne. L’héroïne, c’est pour les drogués dans les rues, pas pour les gens comme nous. Que j’étais naïve! J’ai découvert qu’il consommait de l’héroïne il y a près d’une dizaine d’années. Il a fait une surdose à la maison et c’est moi qui l’ai trouvé. Il était inconscient et respirait difficilement. Son visage était tout bleu. Il était à l’article de la mort. J’ai appelé le 911 et les ambulanciers l’ont réanimé. Mais le traumatisme de cette nuit-là nous a changé pour le restant de nos vies. Pendant les sept années qui ont suivi, Kevin s’est battu bec et ongles contre le pouvoir que l’héroïne avait sur lui, et il en arrachait. Il a enchaîné des cures fermées et des traitements externes de désintoxication. Il a fait des séjours en foyer de réhabilitation, puis est revenu vivre avec moi. Au bout d’un moment, il a persévéré avec ses rencontres aux Narcotiques Anonymes et son travail de réhabilitation, puis il s’est rétabli pendant deux ans. Et il a ensuite fait une rechute. Il a eu une autre année sans consommer, puis a fait une autre rechute. Et ainsi de suite, les cycles se sont succédés ainsi. Je me souviens qu’après une de ces rechutes, nous étions dans la salle familiale et Kevin avait la tête appuyée sur mes genoux, en sanglots.  « Je déteste cette situation, je ne veux pas ça. Je ne veux pas te faire vivre ça. Je ne veux pas mourir » disait-il en pleurant. Après quelques premières rechutes, j’ai commencé à cacher la situation à nos proches. J’étais épuisée et j’avais honte. J’en avais marre d’expliquer la maladie de dépendance de Kevin et de justifier ses comportements. Je me rappelle ce soir où j’ai dû dire à mes parents qu’une fois de plus, mon mari avait foiré et avait fait une rechute. Alors que je disais cela à mes parents, le visage tout rouge de honte,  mon père m’a regardé avec tellement de colère et a crié : « Débarrasse-toi de lui! ». Mais je ne pouvais pas. Kevin se débattait bec et ongles contre ça. S’il avait eu un cancer et avait eu des récidives, je ne l’aurais pas laissé tomber. Pour moi, il n’y avait pas de différence. Cela n’a pas été facile. Souvent, en faisant la lessive ou en préparant les décorations de Noël, je trouvais une aiguille qu’il n’avait pas bien cachée. Chaque fois, c’était comme si je recevais un coup de couteau en plein cœur parce que c’était le signe qu’il ne s’en était pas sorti et oui, Kevin me décevait encore. Et je comprenais alors que la mort rôdait peut-être encore autour de nous. Plus de 400 personnes ont assisté aux funérailles de Kevin. Jamais le salon funéraire n’avait reçu autant de monde. Malheureusement, de tout ce monde, à peine quelques personnes connaissaient la dépendance de Kevin, et les gens ont eu tout un choc lorsque j’ai pris la parole pour révéler un pan de sa vie et partagé la façon dont il était mort. Des amis qui connaissaient Kevin depuis plus de 30 ans n’en revenaient pas de découvrir tout ce qu’ils ignoraient de sa vie réelle. Plusieurs ressentaient de la culpabilité ou avaient un sentiment d’impuissance en apprenant la double-vie menée par leur ami. Les larmes coulaient et plusieurs amis m’ont dit « Mais pourquoi ne m’en a-t-il pas parlé ? Peut-être que j’aurais pu l’aider ». J’ai moi aussi passé des nuits à me demander la même chose. Si Kevin n’avait pas eu honte de sa situation, aurait-il été plus disposé à demander de l’aide ? Si Kevin n’avait pas eu honte, aurait-il plus compté sur ses amis et sa famille ? Et si Kevin n’avait pas eu honte, serait-il encore en vie ? Kevin cachait sa consommation, il la cachait parce qu’il en avait honte. Et cette honte l’a amené à s’isoler. Il s’est éloigné de ses amis, de sa famille, de son parrain, de son travail de rétablissement. Et dans cet isolement, cette petite voix qui lui disait qu’il pouvait consommer une toute dernière fois, qui lui disait qu’il pouvait recommencer à prendre de la drogue, cette voix s’est faite de plus en plus forte, au point où il n’entendait plus qu’elle. Pensez à une fois, une fois où vous vous avez ressenti de la honte, où vous avez senti quelque chose de si immense et effrayant que vous étiez incapable d’en parler. Maintenant, imaginez que ce sentiment vous habite chaque jour de votre vie. C’est ce que vivait Kevin et ce que vit tout personne qui a une consommation problématique de substances. Ces gens veulent se confier, mais ils n’y arrivent pas. La honte et la stigmatisation leur impose de souffrir en silence. Leur souffrance demeure cachée. Et il est difficile de sortir de ces ténèbres lorsque personne n’est là pour nous guider vers la lumière. En 2016 au Canada, près de 3 000 personnes sont mortes d’une surdose d’opioïdes. Kevin fut l’une d’elles. En 2017, il y a eu près de 4 000 morts d’une surdose d’opioïdes. C’est une augmentation de près du tiers et cette augmentation est effrayante. Actuellement au Canada, 11 personnes meurent chaque jour d’une surdose d’opioïdes. Kevin était dépendant de l’héroïne, mais il n’était pas que cela. Il était une personne avec un coeur, une histoire, une vie, et une dépendance. Et tout comme Kevin, les 11 personnes qui mourront aujourd’hui sont des êtres humains, et pas seulement une statistique. Derrière chaque surdose il y a une personne, un ami, un enfant, un parent et un conjoint ou une conjointe. Vous pensez peut-être que cela ne vous touche pas, mais ce n’est pas vrai. Près d’un Canadien sur cinq aura des problèmes de consommation de substances au cours de sa vie. C’est dire que dans cette salle, 240 personnes combattront un problème de consommation de substances, en auront peut-être honte et souffriront en silence. Il y a donc probablement, dans votre entourage, une personne qui souffre d’une telle situation, que vous le sachiez ou non. Imaginez maintenant que cette personne ait la possibilité de ne pas souffrir en silence. La honte et la stigmatisation contribuent à la crise actuelle de surdoses d’opioïdes. L’empathie et la compassion peuvent remplacer la honte et la stigmatisation. L’empathie et la stigmatisation peuvent sauver une vie. Parlons maintenant des petites choses (mais qui sont importantes) que l’on peut faire pour y arriver. Votre empathie, votre compassion, peuvent contribuer à sauver une vie. La première chose que l’on peut faire, c’est changer notre façon de parler.  Je vais partager une citation que j’aime, qui provient d’un homme qui s’appelle Don Kohist. Cela va comme suit : « Les mots sont importants. Si l’on aime une chose, on dira que cette chose est une fleur. Si on déteste une chose, on dira que c’est une mauvaise herbe. ». J’aime ces propos parce qu’ils résument bien ce que peuvent ressentir les gens lorsqu’on leur met une étiquette. En fait, j’ai moi-même utilisé les mauvais mots, par exemple lorsque je disais que mon mari était accro à l’héroïne. Pendant toutes ces années, je parlais ouvertement de ses problèmes mais j’utilisais le mot accro pour parler de lui, et ce n’est que récemment que j’ai compris à quel point c’est inapproprié. En le désignant comme accro, je le réduisais à sa consommation de drogues. Je sortais qui était Kevin de l’équation : son humour, sa compassion, son intelligence, tout ce qu’il était, je le retirais de l’équation. Je ne peux bien sûr pas ramener Kevin, mais je peux changer la façon dont je parle de lui, et vous pouvez vous aussi changer les mots que vous utilisez. Vous pouvez dire « personne avec une utilisation problématique de substances » au lieu de dire  « accro ». Vous pouvez dire « consommation de drogues » au lieu « d’abus des drogues ». Et parler d’une personne en « rétablissement »  plutôt que « propre » . Changer de langage est un petit pas, mais un pas important que nous pouvons faire pour réduire la stigmatisation. Cela ne vous coûte rien et pourtant, cela n’a pas de prix pour les personnes qui luttent parce qu’on les traite avec dignité et respect. Une deuxième chose que vous pouvez faire est de vous procurer une trousse de naloxone. Le traitement contre le trouble lié à l’utilisation de substances n’est pas une ligne droite, ou vous passez directement de « accro » à « sauvé ». C’est un parcours complexe fait d’avancées et de rechutes à répétition. La réalité est que les gens peuvent faire des rechutes, et feront des rechutes. Kevin a fait plusieurs rechutes. Une personne peut être sur la voie du rétablissement et faire tout de même une surdose. C’est ce qu’a fait Kevin. Alors, la trousse de naloxone est d’une aide précieuse, car elle annule rapidement et facilement les effets en cas de surdose. Et une personne qui meurt d’une surdose n’aura jamais plus la chance d’aller en centre de traitement ou de rétablissement. Je vais vous avouer une chose : j’ai longtemps voulu me procurer une trousse de naloxone. Elles s’obtiennent gratuitement dans plusieurs pharmacies. Mais à chaque visite à la pharmacie de mon quartier, où une petite affiche indique que ces trousses sont disponibles, je paniquais et me disais « Le pharmacien va peut-être me juger et croire que je suis une droguée », ou encore : « Et si la dame à côté de moi m’entendait, me jugerait-elle? ». Nous touchons là le cœur du problème : plus nous en parlons ouvertement et considérons la trousse de naloxone comme une simple composante d’une trousse de premiers soins, et comme un outil important qui peut sauver la vie d’une personne en voie de rétablissement, plus nous pouvons réduire la stigmatisation entourant l’utilisation de drogues. Bonne nouvelle, j’ai maintenant une trousse de naloxone. Je me la suis procurée la semaine dernière. Et vous savez quoi ? Le ciel ne m’est pas tombé sur la tête.  Tout ce qui s’est passé, c’est que j’ai eu ma trousse, j’ai vu une courte démo sur la façon de s’en servir et c’est tout. Mais surtout, j’ai franchi un grand pas pour aider à réduire la stigmatisation des personnes qui utilisent des drogues. Une dernière chose que vous pouvez faire est de raconter l’histoire de Kevin. Une des meilleures amies de Kevin durant leurs années d’université enseigne aujourd’hui au secondaire et, récemment, elle est entrée en classe bouleversée par son souvenir. Alors elle a arrêté la leçon et a plutôt raconté l’histoire de Kevin à ses élèves. Elle leur a parlé de son ami, de ses combats contre la drogue, leur a dit comment il est mort de sa consommation de drogue. Elle pleurait en leur racontant tout ça, et ses élèves ont accueilli sa peine à bras ouverts et ont commencé à discuter. Une élève qui avait l’habitude de déranger la classe a parlé de sa sœur qui menait un combat contre les drogues et des effets que cela avait sur leur famille. Toute la classe a alors compris que le comportement en classe de la jeune fille s’expliquait par les difficultés dans sa vie familiale. Une autre élève a parlé de son frère qui luttait contre sa consommation de drogues. Et, à mesure que la discussion avançait, les élèves ont tous voulu prendre part aux échanges. L’amie de Kevin m’a dit que cela avait été extrêmement difficile et terrifiant pour elle de se confier à un groupe de jeunes de 15 ans, mais que son témoignage aura permis à ces jeunes de se délester de l’énorme poids qu’ils traînaient avec eux. Et ces jeunes, qui n’arrivaient pas à se comprendre avant, ont commencé à briser les barrières qui les séparaient et à tisser des liens, et à développer de l’empathie et de la compassion entre eux. Les élèves, dit-elle, ont quitté la classe ce jour-là en étant plus unis, plus empathiques et plus attentifs aux autres. En partant d’ici, racontez l’histoire de Kevin. Dites à une personne que vous côtoyez que vous avez entendu l’histoire d’un homme, un homme qui aimait sa femme, qui adorait ses enfants et son travail. Dites-lui qu’il avait aussi une maladie, qu’il était un consommateur de drogue et qu’il a perdu sa vie à cause de sa maladie. Dites-leur aussi que vous avez appris de cette histoire que cet homme méritait d’être aimé et d’être traité avec compassion et empathie malgré sa consommation de drogues.  Parce que plus nous parlerons du trouble lié à l’utilisation de substances, mieux nous serons en mesure de réduire la stigmatisation et la honte qui y sont associées. Et plus cette stigmatisation et la honte s’estomperont, plus la compassion et l’empathie grandiront, et il sera plus facile pour ceux qui souffrent de se confier et d’obtenir de l’aide. Nous pouvons sauver des vies. Et l’histoire de Kevin peut nous aider à le faire. Merci.
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Tina parle de la stigmatisation dont elle a fait l'objet en tant que personne vivant avec des troubles liés à la consommation de substances.

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Audio disponible en anglais seulement Tina:  Le trouble lié à l’utilisation de substances est le seul trouble qui, à ma connaissance, exige d’aller mieux avant que l’on nous autorise à avoir de l’aide, et ce fut exactement ce qui s’est passé pour moi. On m’a refusé des services et des traitements parce que j’étais encore malade, surtout à cause de ma santé mentale et de ma maladie mentale. Les psychiatres exigeaient que je sois sobre avant de me recevoir en consultation et les centres de traitement, eux, exigeaient que je me fasse d’abord traiter pour ma maladie mentale avant d’accepter de traiter ma dépendance. La stigmatisation m’a affectée à tous les niveaux. L’auto-stigmatisation, pour la stigmatisation que je m’afflige moi-même basée sur ma perception de ce que je suis ou étais.  Et la stigmatisation d’un point de vue structurel, donc de la part d’institutions, d’hôpitaux et d’autres organisations. Un jour, vous êtes finalement prêt à demander de l’aide, à suivre les traitements pour vous sentir mieux, mais c’est un combat difficile. Vous devez vous adresser à tant de personnes différentes, attendre pour tant de traitements différents, et franchir de tant d’obstacles différents alors que tout ce que vous voulez, c’est d’aller mieux et d’avoir de l’aide. Depuis que j’utilise des substances, j’ai toujours su que je ne les utilisais pas de la même manière que les autres personnes que je connaissais. Mais j’ignorais que j’avais un problème depuis plusieurs années ou je refusais de l’admettre, jusqu’à ce que toute ma vie en soit affectée et que ma famille et mes amis commencent de plus en plus à m’éviter. Je n’arrivais plus à conserver un emploi. Je ne me supportais plus. Je n’aimais plus qui j’étais et je voulais partir, je voulais en finir avec cette vie. Et pour une raison que j’ignore, j’ai décidé de continuer à me battre et à m’améliorer, et c’est ce que j’ai fait.
Raconter mon histoire m’aide à guérir. Si cela permet de sauver un enfant, ça aura valu la peine. Raconter mon histoire m’aide à guérir. Si cela permet de sauver un enfant, ça aura valu la peine.

Raconter mon histoire m’aide à guérir. Si cela permet de sauver un enfant, ça aura valu la peine.

Écoutez l'histoire de Jordan pour voir comment sa dépendance aux médicaments antidouleur a mené à une tragédie.

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Écoutez l'histoire de Jordan pour voir comment sa dépendance aux médicaments antidouleur a mené à une tragédie.

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La mère de Jordan : Jordan était infatigable. Il débordait d’énergie. Le père de Jordan : C’était un enfant fantastique. Plein de vie, incapable de tenir en place. La mère de Jordan : Il a commencé à marcher dès ses huit mois. Rien ne pouvait l’arrêter. Il était aventurier dans l’âme. Le père de Jordan : Il adorait le baseball et la planche à roulette. Il était très actif. Un enfant typique. La mère de Jordan : Pendant les cinq dernières années de sa vie, je m’en suis souciée constamment à chaque jour, d’heure en heure. C’est comme si je sentais que mon but était de le garder en vie. TITRE : L’histoire de Jordan Le père de Jordan : Au début de la vingtaine, Jordan travaillait dans la construction. Un jour il s’est fait mal au dos en levant du bois. Le docteur lui a prescrit un opiacé. Les opiacés sont devenus pour lui une obsession. La mère de Jordan : Quand une personne devient accro, elle n’a plus qu’une idée en tête : en trouver, en payer, en consommer et en trouver. Ça l’envahit. Le père de Jordan : Ça a progressé graduellement, mais son style de vie est devenu de plus en plus fou et il travaillait… Il travaillait comme ramoneur et pouvait dépenser un chèque de 6 000 $ en un rien de temps. La mère de Jordan : On ne pouvait pas s’y fier. Il était incapable de se concentrer. La dépendance de Jordan était tellement forte que l’ordonnance du médecin ne lui suffisait jamais. Il en cherchait ailleurs, sur la rue. Il avait des maux d’estomac. Il ne dormait plus. Son corps en souffrait énormément. La mère de Jordan : Un jour, il est venu nous dire qu’il devait se désintoxiquer. « J’ai besoin d’aide. C’est plus fort que moi, j’ai perdu le contrôle. » Nous l’avons inscrit à un programme de désintoxication. Il s’est remis sur pied un certain temps, puis l’obsession est revenue. Il ne pouvait pas y résister, c’était plus fort pour lui. Finalement, Jordan a consommé plusieurs drogues, dont trois médicaments qui lui avaient été prescrits, et la combinaison des trois l’a tué. Le père de Jordan : Jordan était la cause du meilleur jour de ma vie et du pire jour de ma vie; celui où il est né, et celui où il est mort. La mère de Jordan : Quand il est mort, ça a bouleversé notre vie. J’en suis encore à me demander comment continuer à vivre maintenant que je ne suis plus mère. Le père de Jordan : Quand j’avais un fils, j’y consacrais toutes mes énergies. Tout est disparu, en un instant. La mère de Jordan : Nous ne serons jamais grands-parents, et nous ne l’aurons pas dans notre vieillesse. Le père de Jordan : Nous ignorions complètement à quel point ces médicaments peuvent devenir dévastateurs et à quel point il est facile d’en devenir accro, en particulier les opiacés. La mère de Jordan : Je ne crois pas que les enfants, en particulier, comprennent dans quoi ils s’embarquent. Ils ont besoin de savoir que ces médicaments peuvent ruiner leur vie et même les tuer. La mère de Jordan : Les parents doivent être vigilants, faire preuve de compassion et ne pas banaliser les changements de comportement. Si on se fâche contre son enfant et le juge, il n’y a rien de mieux pour l’éloigner. Le père de Jordan : Il ne faut pas s’aveugler, se dire que ça va cesser tout seul. La mère de Jordan : Ça peut arriver à n’importe qui. Raconter son histoire m’aide à guérir. Si ça sauve la vie d’un seul enfant, ça aura valu la peine. Jordan était un jeune homme normal, en parfaite santé. Il travaillait, il était plein d’ardeur et d’amour. Carl Chaque jour où je pense à lui,  je me le rappelle, je m’efforce de penser aux bonnes choses, aux bons souvenirs. La mère de Jordan : Il commençait sa vie. S’il avait pu laisser tomber la drogue, tout aurait bien tourné. Il aurait été épatant. Renseignez-vous et parlez à vos enfants de l’usage abusif des médicaments d’ordonnance. Visitez Canada.ca/preventiondesdrogues Un message du gouvernement du Canada.
Consulter m’a aidée de beaucoup de façons Consulter m’a aidée de beaucoup de façons

Consulter m’a aidée de beaucoup de façons

Écoutez l'histoire de la dépendance aux médicaments sur ordonnance de Karlee, les effets néfastes sur sa vie et comment elle s'en est remise.

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Écoutez l'histoire de la dépendance aux médicaments sur ordonnance de Karlee, les effets néfastes sur sa vie et comment elle s'en est remise.

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Narratrice 1 : Je l’ai entendu pleurer dans sa chambre et lorsque j’y suis entrée, son visage était pourpre et bleu autour de la bouche et je me souviens avoir pensé : « Elle ne respire plus ». Narratrice 1 : Karlee était une petite fille aimante qui aimait prendre soin de tout le monde.   Elle disait toujours qu’elle serait un modèle pour sa sœur. Ce jour-là, nous l’avons perdue. C’était le 17 octobre à 4 h 30 pendant la nuit. Karlee : Je souffrais d’asthme sévère et j’ignorais si c’était en raison de ma consommation de médicament d’ordonnance, de mon tabagisme ou d’autre chose, mais je suis littéralement morte devant mes parents. Mon père a dû me ranimer. Je n’avais jamais pensé que je me mettais en danger. Je fréquentais les mauvaises personnes, des gens qui consommaient des médicaments d’ordonnance. Et un jour, j’ai dit : « Je veux essayer moi aussi », puis c’est devenu « J’en ai besoin chaque jour pour sortir du lit. J’en ai besoin pour fonctionner durant la journée ». Tu te lèves chaque jour en te demandant « Comment vais-je pouvoir avoir ma dose? ». Et tu es prête à faire n’importe quoi pour l’avoir. Narratrice 1 : Elle me volait. Cela me blessait terriblement, mais ce qu’il y avait de pire, c’était de ne pas savoir si mon enfant serait encore là le lendemain. Karlee : Un jour, j’ai dit à ma mère : « Je n’en peux plus ». Je n’étais plus moi-même. Une partie de moi n’était plus là. Ce fut le point tournant. Consulter m’a aidée de beaucoup de façons. Je sentais que tout ce qui me préoccupait, je pouvais en parler et cela me faisait sentir mieux. Si ça n’avait pas été de ma famille, je ne serais certainement plus ici. J’ai un emploi à temps plein. J’ai mon chien. J’ai mon copain. Et j’ai un toit sur la tête. J’ai plein de nourriture dans mes armoires et je paye mes factures. Ma famille est présente pour moi. Enfant, je n’avais jamais imaginé qu’un jour je consommerais des médicaments d’ordonnance. Jamais. Narratrice 1 : On ne sait jamais. Ça peut arriver aux enfants de n’importe qui. Mais elle a eu une deuxième chance dans la vie. Je suis tellement, mais tellement reconnaissante. Narratrice 3 : Obtenez les faits et parlez avec vos enfants de consommation problématique de médicaments d’ordonnances. Visitez. canada.ca/prevention-toxicomanie. Un message du gouvernement du Canada.
J’avais honte de raconter mon histoire, mais maintenant, je veux aider les gens parce qu’on m’a aidée J’avais honte de raconter mon histoire, mais maintenant, je veux aider les gens parce qu’on m’a aidée

J’avais honte de raconter mon histoire, mais maintenant, je veux aider les gens parce qu’on m’a aidée

Écoutez l'histoire de Meagan pour voir comment la consommation de médicaments sur ordonnance a progressé à une dépendance en un rien de temps et voyez comment elle s'en est sortie.

J’avais honte de raconter mon histoire, mais maintenant, je veux aider les gens parce qu’on m’a aidée

Écoutez l'histoire de Meagan pour voir comment la consommation de médicaments sur ordonnance a progressé à une dépendance en un rien de temps et voyez comment elle s'en est sortie.

Produit par Santé Canada
Le père de Meagan :

Elle était une petite fille comme les autres. Très populaire.

La mère de Meagan :

Elle aimait les enfants, adorait les garder. Nous avions une merveilleuse relation.

Le père de Meagan :

Il ne faut pas prendre pour acquis qu’ils sont heureux et que cela ne peut pas leur arriver. Cela peut arriver aux enfants de n’importe qui.

Meagan :

Je ne sais pas pourquoi j’en suis arrivée là. J’en avais juste assez, j’étais en colère. Cela me faisait sentir forte. Lorsque j’ai commencé à consommer des opioïdes, je suis devenue une personne complètement différente. Je ne m’intéressais plus aux gens. Je volais, je mentais.

La mère de Meagan :

Ça s’est fait très rapidement. Même pas quelques semaines, plutôt quelques jours.

Le père de Meagan :

Oui.

La mère de Meagan :

Et ma fille était devenue accro.

Meagan :

Je me levais le matin et mes jambes tremblaient. Je vomissais. J’avais toujours très froid. C’était atroce. J’étais vraiment, mais vraiment atteinte. Je ne le réalisais pas. Je ne pensais pas pouvoir m’en sortir.

Le père de Meagan :

Vous voyez votre enfant littéralement se désintégrer devant vous.

La mère de Meagan :

Même mes amis et ma famille ne comprenaient pas. Personne ne comprend.

Meagan :

C’est comme si je m’étais levée un matin et que je m’étais dit « Ça suffit. Si je continue à prendre de la drogue, je vais perdre ma petite fille ». Je suis allée voir mes parents et leur ai dit que j’avais besoin d’aide. Alors, nous avons commencé à nous informer à propos des centres de traitement. J’ai rencontré une conseillère et celle-ci a changé ma vie.

Le père de Meagan : Elle est redevenue une personne à qui nous pouvons parler de nouveau. C’était extraordinaire de simplement la voir cuisiner un repas.

Meagan : Je suis sobre depuis près d’un an et demi maintenant. Je tente de terminer ma 12e année, en ce moment.

Le père de Meagan :

Meagan a toujours voulu se marier, s’installer dans la vie. J’espère que je pourrai un jour marcher avec elle dans l’allée à l’église.

Meagan :

J’avais honte de raconter mon histoire. Mais maintenant, je veux aider les gens parce qu’on m’a aidée. Je sens comment c’est d’être normale, de nouveau.

Narratrice :

Obtenez les faits et parlez avec vos enfants de consommation problématique de médicaments d’ordonnances. Visitez. canada.ca/prevention-toxicomanie. Un message du gouvernement du Canada.
La dépendance n’est pas un choix – les traumatismes et la dépendance modifient votre cerveau La dépendance n’est pas un choix – les traumatismes et la dépendance modifient votre cerveau

La dépendance n’est pas un choix – les traumatismes et la dépendance modifient votre cerveau

L'impact des traumatismes sur le cerveau : réduire la stigmatisation autour de l'addiction et de la consommation de substances.

La dépendance n’est pas un choix – les traumatismes et la dépendance modifient votre cerveau

L'impact des traumatismes sur le cerveau : réduire la stigmatisation autour de l'addiction et de la consommation de substances.

Produit par CAPSA Canada
Liz : Quand j’étais petite, je ne me sentais pas en sécurité à la maison, et on s’en prenait beaucoup à moi à l’école. J’avais 14 ans quand j’ai bu de l’alcool pour la première fois. J’aimais comment je me sentais alors – j’avais toujours voulu me sentir comme ça – comme tout le monde. Je pensais que j’arrivais à gérer ma vie grâce à l’alcool. Mais je m’isolais de plus en plus. Avec le temps, j’ai commencé à mentir à mes proches, à cacher de l’alcool et à avoir des secrets. Tout ça pour pouvoir boire, sans me faire juger. Je n’ai jamais voulu en venir au point où les gens diraient : Narrateurs Multiples : « Elle gâche sa vie » « Pourquoi elle choisit l’alcool, et non sa famille? » « Je ne comprends pas… » « Bonne à rien… » Liz : J’ai commencé à penser que c’était ma faute et que l’alcool était plus important. Comment en suis-je arrivée là? Ai-je vraiment choisi la dépendance? J’ai choisi de prendre un verre, comme plusieurs de mes amis, mais je n’ai pas choisi la dépendance. Je me suis rendue compte que je devais être bien dans ma peau, pour moi. Puis, j’ai voulu comprendre ce qui me différenciait des autres…et pourquoi j’étais devenue dépendante de l’alcool, mais pas eux. Une partie de notre cerveau s’occupe de notre bien-être, et si elle se dérègle, cela peut avoir des effets dévastateurs. La partie du cerveau directement derrière le front est appelée cortex préfrontal et assure le « contrôle exécutif » du cerveau. L’une de ses grandes fonctions est de réguler différents circuits cérébraux, comme ceux de la peur et de la récompense. Par exemple, lors d’un événement traumatisant, le cortex préfrontal active le circuit de la peur et envoie des signaux à une autre structure cérébrale, l’amygdale, le « centre de la peur ». À son tour, l’amygdale active une autre structure, appelée l’hippocampe, qui stocke de l’information sur les gens, les endroits ou les choses qui présentent une menace. Quand nous les rencontrons par la suite, l’hippocampe nous rappelle de les éviter. Par contre, le circuit de la récompense semble moins actif après un traumatisme. Certaines personnes pourraient donc consommer des substances comme l’alcool ou l’héroïne pour se sentir mieux. Qu’est-ce que ça signifie? Pourquoi mon cerveau voyait-il l’alcool comme une bonne stratégie d’adaptation? Les scientifiques sont maintenant d’avis qu’à la suite d’un traumatisme, le « circuit de la récompense » est hypoactif, et le « circuit de la peur » est hyperactif. C’est donc dire que le cortex préfrontal n’arrive pas à trouver un équilibre entre les deux circuits. Alors mon cerveau considérait l’alcool comme une solution, parce qu’il augmentait la récompense et diminuait la peur que je vivais. À ce moment, l’important, ce n’était pas d’être heureuse, mais bien de survivre. Sachant que des changements réels étaient survenus dans mon cerveau, j’ai appris à me traiter avec gentillesse et j’ai compris que je n’avais pas choisi la dépendance. Cela dit, je ne veux pas redevenir celle que j’étais quand j’ai commencé à boire.
Voir la personne plutôt que sa dépendance Voir la personne plutôt que sa dépendance

Voir la personne plutôt que sa dépendance

Écoutez les histoires de 12 personnes ayant une expérience vécue ou ayant une expérience familiale de la consommation de drogues. À travers ces récits, nous espérons susciter la compassion, encourager l'empathie et contribuer à une communauté qui traite toutes les personnes avec dignité et respect.

Voir la personne plutôt que sa dépendance

Écoutez les histoires de 12 personnes ayant une expérience vécue ou ayant une expérience familiale de la consommation de drogues. À travers ces récits, nous espérons susciter la compassion, encourager l'empathie et contribuer à une communauté qui traite toutes les personnes avec dignité et respect.

Produit par Northern Health BC
Audio disponible en anglais seulement Jolene : La dépendance est une expérience très difficile. Et elle génère un conflit interne. Certains disent que c’est un choix, mais personnellement, je crois que c’est une maladie. Pour la personne dépendante, c’est un réel combat. [musique] Intertitre Mettons fin à la stigmatisation. Sauvons des vies. Le rôle de l’empathie Sheldon : Se mettre dans la peau d’une personne dépendante ne serait-ce que quelques minutes peut faire des miracles. Et ce n’est pas tellement d’être dans sa peau, mais plutôt de marcher à ses côtés, de savoir ce qu’elle vit et pourquoi elle en est rendue là. Jolene : Lorsque les gens me jugent parce que je me prostitue, j’ai mal. Dès leur premier regard, je devine ce qu’ils pensent : « Regardez-la… elle est accro… » ou « Elle vend son corps ». Je suis pourtant quelqu’un de bien. S’ils apprenaient vraiment à me connaître, ils m’apprécieraient vraiment. [musique] Intertitre La stigmatisation envers les personnes qui ont une dépendance peut faire encore plus de dommage que la dépendance elle-même. Jolene :  J’aimerais qu’on me traite avec respect et dignité, comme un être humain, comme on traite tout le monde. Plutôt que de simplement me juger pour ma dépendance, mon apparence et parce que je suis autochtone. Jeremy :  Je veux simplement être Jeremy, pas « Jeremy le drogué » ou « Jeremy le voleur » ou quoi que ce soit du genre. [musique] Intertitre Traiter les gens avec respect et changer notre façon de parler peut contribuer à sauver des vies. Charlene : Lorsque nous sommes témoin d’injustices, de comportements inacceptables, ou  que l’on voit des gens qui sont mal traités… si nous pouvons améliorer les choses ne serait-ce que pour une personne,  je crois que nous le devons à l’ensemble de notre communauté. [musique] Intertitre Mettons fin à la stigmatisation. Sauvons des vies. Pour en savoir plus : northernhealth.ca/stigma Jolene : Nous sommes tous faits pour aimer et prendre soin des gens. Alors pourquoi ne pas démontrer à tout le monde, à tout le monde, cet amour et cette bienveillance ?
L’histoire d’Elsa L’histoire d’Elsa

L’histoire d’Elsa

Elsa est intervenante pour un organisme en réduction des méfaits. Chaque jour, elle offre soutien et compassion aux personnes aux prises avec une consommation de substances. Voici son histoire.

L’histoire d’Elsa

L’histoire d’Elsa

Elsa est intervenante pour un organisme en réduction des méfaits. Chaque jour, elle offre soutien et compassion aux personnes aux prises avec une consommation de substances. Voici son histoire.

Produit par Santé Canada
Narrateur :  Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes. D’après les statistiques les plus récentes, environ 12 personnes meurent chaque jour d’une surdose d’opioïdes au Canada. On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-mêmes à l’abri. En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vue et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent. Elsa est intervenante pour un organisme en réduction des méfaits. Chaque jour, elle offre soutien et compassion aux personnes aux prises avec une consommation problématique de substances. Voici son histoire… Elsa :  Je m’appelle Elsa. Je suis intervenante. Dans le fond, ce que c’est, c’est vraiment de travailler avec la personne qui est devant nous selon ses besoins, mais toujours par rapport à la consommation. On peut lui offrir de venir rencontrer un intervenant pour l’aider avec ses objectifs, peu importe quels sont ses objectifs, que ça soit de diminuer, d’arrêter, de poser des questions, de s’informer ou de poser des questions sur quelqu’un qui consomme dans sa famille. On leur distribue aussi tout ce qui est matériel de consommation stérile donc des trousses de pipe à crack, des trousses d’injection, on donne des trousses de naloxone puis toujours avec de l’information et de la sensibilisation. Mais on va aussi directement où les personnes qui consomment sont. On se rend directement dans leur milieu, toujours dans le but d’améliorer leurs conditions de vie puis de répondre à leurs besoins au niveau de la distribution puis du matériel qu’ils ont besoin. La personne est vraiment au cœur de nos interventions et de notre mission, l’intérêt de la personne soutenue demeure la priorité. Mon gros défi c’est vraiment d’amener les personnes qui veulent s’impliquer, mais qui ont souvent été exclues et jugées, à voir leur vécu vraiment comme quelque chose de positif, quelque chose qu’ils peuvent prendre puis le transmettre à quelqu’un. Que ça devienne vraiment une expérience pour s’aider eux-mêmes et aider les autres aussi. Dans le fond, mon travail me permet vraiment d’encourager ces mêmes personnes-là à livrer leur message, revendiquer leurs droits, nommer les injustices qu’ils ont vécues. Ça passe toujours par redonner le pouvoir à ces personnes-là sur leurs vies, sur leurs droits, sur leur voix, puis ça c’est un défi en soi, parce que de les amener à considérer leur vécu comme une expertise pour aider les autres, c’est pas facile quand on croit qu’on n’est pas accepté socialement. De faire ce cheminement-là, c’est une chose, mais en plus de s’allier à d’autres personnes qui consomment, pas nécessairement la même substance, pas nécessairement le même vécu, pas le même âge, c’est aussi un autre défi. Tu sais, il y a des clash dans les types de consommation, dans les types de substance, juste le mode d’administration… quelqu’un qui s’injecte, quelqu’un qui fume, c’est très très différent, pourtant, on s’entend qu’il y a vraiment beaucoup de similitudes, mais pour les personnes qui le vivent, c’est difficile, tu sais, d’aller créer un lien de confiance avec quelqu’un qui est pas pareil comme nous, ou consomme pas la même chose ou a pas le même âge. Je pense que de par mon rôle, vraiment, je les encourage à considérer leur vécu comme valorisant, tu sais. Puis ça, ça leur permet de voir un autre côté de la chose parce que pour certains, c’est la première fois de leur vie qu’on leur dit que c’est quelque chose de positif, tu sais, que c’est une expertise. Alors que eux, ils ont vu ça comme la période la plus lourde de leur vie, ça leur a rien appris. Tu sais, souvent ils ont vécu beaucoup de jugement ou d’exclusion de leur famille même, tu sais, de leur emploi… Ils ont pas de logement, ils sont vraiment dans une situation difficile, puis là ils réalisent pour la première fois qu’ils en ont des droits… On est plusieurs à consommer, tu sais, on est plusieurs à vouloir revendiquer ces mêmes droits-là. Fais que la solidarité dans le milieu, c’est un défi, mais c’est pas impossible. Puis moi je le vois maintenant, puis ça pris du temps, c’est quelque chose qui se bâtit tranquillement, mais maintenant, il y a vraiment une belle solidarité puis un respect par rapport au vécu des autres, peu importe de où la personne vient, puis même quand quelqu’un de plus marginalisé qu’eux vient se joindre au groupe, ils ont vraiment un accueil inconditionnel. Fais que c’est encore plus beau, tu sais. C’est un beau défi, je trouve, que c’est long, c’est quelque chose à long terme, il faut de la patience. Tu sais, une solidarité dans un groupe, ça se bâtit pas en une rencontre. Déjà ils viennent parce qu’ils savent que c’est un moment pour se regrouper entre consommateurs, mais ils savent pas nécessairement où ça s’en va, tu sais. Pour aider les personnes qui consomment, on doit vraiment adapter une diversité de services, pour une diversité de personnes. Même chose au niveau de l’accès au traitement de substitution qu’on appelle aujourd’hui traitement antagoniste aux opioïdes, il n’y a pas vraiment de choix offert à la personne, si la personne elle a essayé la méthadone, que ça marchait pas, qu’elle a essayé la suboxone, et que ça marchait pas non plus, qu’est-ce qu’on offre ? Qu’est-ce qu’on offre à la personne qui décide d’entreprendre une démarche sécuritaire concernant sa consommation, qui désire un traitement comme une alternative bénéfique pour sa survie et sa santé, et qui volontairement met de côté les risques de consommer une substance contaminée, mais qui se trouve avec pas d’autres choix que de réessayer le traitement qui n’est pas adapté à son besoin ? Les restrictions liées au traitement peuvent entraîner des conséquences beaucoup plus dangereuses surtout du côté de l’approvisionnement non sécuritaire de substances. Malgré que les médecins peuvent prescrire de l’héroïne médicale, très peu le font, ce qu’on pourrait appeler quand même un accès à un safe supply. Parce qu’on s’entend, aujourd’hui quand on s’approvisionne de manière traditionnelle, ben on n’est pas dans le safe supply. On est vraiment mis à risque de consommer une substance qui est contaminée. Sans parler aussi des conditions, sans oublier les conditions liées au traitement de substitution, le système de privilèges et de punitions mis en place, il est loin de répondre aux besoins de la personne qui consomme. En fait la personne elle doit se rendre tous les jours à la pharmacie, dans une optique de sécurité et de supervision. Le pharmacien va s’assurer que le médicament soit bien ingéré, donc il y a vraiment une supervision au niveau de la bouche. La personne elle doit faire des tests urinaires. Est-ce qu’on a pris simplement le temps de demander à la personne directement qu’est-ce qu’elle a besoin ? Si la personne teste positif à un test urinaire, dans le fond elle peut se faire priver de traitement et elle perd le soi-disant privilège de pouvoir peut-être avoir sa prescription 2-3 jours sans avoir besoin d’aller à la pharmacie tous les jours. On parle de sécurité du patient. Moi je vois tout le contraire parce que quand on prive quelqu’un du traitement que la personne veut — puis faut s’entendre qu’au moment où elle va chercher son traitement, il y a déjà des fois des symptômes de sevrage. Donc elle va attendre le matin pour aller chercher son traitement, mais cette personne-là qui vit des symptômes de sevrage et qui se fait priver de son traitement, ben, où est-ce qu’elle va aller s’approvisionner ? Au niveau de la sécurité, il y a rien de moins sécuritaire que ça, puis ça fait vraiment en sorte que la personne va aller s’approvisionner dans son milieu où elle est habituée d’aller à la place d’avoir son traitement. Il y a plusieurs personnes qui consomment en même temps que le traitement, c’est un fait, je pense qu’il faut vraiment travailler à partir de là. Parce que si on travaille pas à partir du besoin de la personne, ben on nuit à sa sécurité. Les personnes qui ont un traitement vivent souvent même du jugement quand elles vont à la pharmacie. Il y a certaines pharmacies qui demandent à ce que les personnes en traitement de méthadone ou suboxone passent par-derrière. Ça déjà pour eux, c’est assez spécial, s’ils sentent déjà qu’il faut que ce soit différent. Puis, moi je me pose toujours comme question… Comment est-ce qu’on leur explique que des personnes qui ont des prescriptions de morphine ont la liberté d’aller chercher leurs comprimés en quantité considérable, de ramener ça à la maison sans jamais faire de test urinaire, sans non plus nécessairement toujours avoir l’information par rapport à ce qui est prescrit. Il y a vraiment un clivage entre les deux, puis faut pas penser que les personnes qui vont chercher leur traitement le voient pas ça. Tu sais, elles se sentent vraiment supervisées, pis c’est quelque chose de difficile pour eux aussi de sentir le jugement du pharmacien chaque fois qu’elles vont chercher ça. Et de demander à quelqu’un d’aller chercher sa prescription tous les jours, c’est aussi pas considérer le vécu de la personne. Une routine dans une vie qui est un chaos, c’est pas facile. Tu sais, ça demande beaucoup beaucoup de temps de se rendre le matin, et ça c’est aussi le fait qu’il y a de l’attente, là. La personne qui va là le matin, c’est pas nécessairement la première personne qui passe et ça arrive, tu sais… moi il y a des personnes qui m’ont mentionné que ils attendent beaucoup plus longtemps que les autres pour avoir leur traitement. Fait que pour moi, c’est vraiment une grande lacune parce que je pense qu’on devrait vraiment offrir une diversité, un choix à la personne, un accompagnement aussi par rapport au traitement et il y a des personnes qui se font mettre sur le traitement sans nécessairement savoir ce que c’est vraiment, sans avoir été averties qu’il va y avoir des symptômes de sevrage chaque fois que tu vas descendre ta dose. Il y a vraiment un besoin d’accompagnement puis d’information des personnes qui veulent le traitement. Il y a aussi tout le fait que, ben en fait on peut prescrire de l’héroïne médicale, mais il y a très peu de médecins qui le font. Fais que c’est pas une option non plus. Je sais qu’il y a des études qui se font par rapport à des traitements injectables, mais on est loin de ça encore. Tu sais, c’est plus difficile, mais quand on pense que les gens s’approvisionnent de manière non sécuritaire et qu’ils meurent, ça serait important qu’on pense vraiment à changer ça parce que là, on parle de personnes qui veulent un traitement. C’est des personnes qui ont déjà fait ce cheminement-là. On ne parle pas de personnes qui veulent pas rien savoir des traitements. Ils sont là, ils le veulent, mais ils n’ont pas l’information, ils savent pas comment ça fonctionne. Ils se sentent pas accompagnés, ils se sentent jugés à la pharmacie. C’est vraiment une grande problématique pour moi. La stigmatisation de la consommation et du même fait des consommateurs est probablement la plus grande barrière dans notre travail. Pourtant, nous savons tous que la consommation se retrouve partout, il faut absolument se détacher de l’image de la personne qui s’injecte dans une ruelle entre deux containers. La stigmatisation, les personnes qui consomment la vivent tous les jours et même ceux qui se détachent tranquillement de leur milieu la vivent encore. C’est super décourageant, tu sais, de faire un cheminement, d’arrêter, mais de quand même sentir ce jugement-là des personnes, soit de la famille ou même, tu sais, des policiers, des hôpitaux. Il y a comme une espèce de perte d’espoir en la personne… c’est difficile quand on fait le cheminement, qu’on finit par, tu sais, se valoriser comme : « Je l’ai fait » puis sentir que les regards n’ont jamais changé puis qu’on se fait quand même considérer comme quelqu’un qui consomme puis qui est problématique. Ça, c’est juste assez pour donner envie à la personne de laisser faire. Mais heureusement, moi j’en ai vu plusieurs qui ne laissent pas faire suite à ça puis qui décident de défendre leurs droits, mais faut quand même penser que c’est pas parce qu’on arrête puis on est en cheminement qu’on est nécessairement la personne la plus forte au monde. C’est quand même un moment fragile pour la personne, puis le regard qu’on porte sur eux, c’est tellement important. La stigmatisation, tu sais, on la voit, c’est de se faire arrêter en traversant la rue, puis se faire fouiller, quand il y a d’autres personnes qui traversent la rue qui ne se font pas arrêter. C’est aussi de rentrer à l’hôpital avec un abcès créé par une injection puis de se faire regarder par le personnel comme si on était contagieux, puis dangereux. C’est justement d’aller à la pharmacie puis de devoir passer par-derrière, c’est de se faire dire « t’as juste à arrêter, c’est une question de volonté », c’est aussi se faire étiqueter comme un faiseur de troubles. C’est sûr que de consommer quand on n’a pas de logement, c’est pas mal plus visible, mais est-ce qu’on essaye vraiment de se mettre à leur place de cette personne là quand on trouve ça personnellement dérangeant ? Les personnes qui consomment vivent tous les jours une discrimination fondée sur leur statut social, qui provient quand même de plusieurs instances, que ça soit le système de justice, le système de santé, l’aide sociale, la famille, l’entourage… et ça peut être même à l’épicerie, c’est vraiment partout. Quand on fait de la défense de droit, on le sait qu’on n’est pas tout le temps dans l’opinion publique. On parle de plusieurs problématiques. On parle de solution et c’est pas nécessairement les solutions que monsieur et madame Tout-le-Monde pensent. C’est surtout ça qui est plus difficile je dirais. Le système en ce moment est prohibitionniste et le jugement aussi qu’il a engendré en faisant de la consommation un crime, ça infantilise puis ça stigmatise les personnes qui font usage de drogues, parce qu’on les associe à un fardeau ou encore un danger. Je pense qu’il faut vraiment, personnellement et collectivement, changer notre perspective et s’informer concernant les drogues en soi, mais aussi concernant l’approche de réduction des méfaits qu’on connaît pas souvent, mais qui a démontré les impacts les plus marqués en termes de promotion de la santé, de mise en œuvre des pratiques à moindre risque de prévention de surdoses. En ce moment là, on vit une crise de santé publique, les gens meurent, c’est vraiment une question de vie ou de mort. Derrière les statistiques qu’on voit de surdoses… c’est pas juste des numéros, hein, c’est des personnes et c’est surtout aussi des mères, des pères, des tantes, des grands-pères, des amis, des collègues, qui étaient peut-être plus proches de vous que vous ne le pensez. Le message le plus important, je pense que c’est vraiment de dire que personne n’est à l’abri. On a tous quelqu’un dans notre entourage qui consomme qu’on le sache ou non, mais c’est pas nécessairement problématique pour chacun. Je pense que si vous consommez ou non, faut vraiment s’informer parce que ça peut vous arriver à vous aussi… J’ai jamais pensé que c’était un travail facile, mais laissez-moi vous dire que quand je rentre chez nous en toute sécurité, ça m’arrive de penser à ceux qui ne peuvent même pas compter sur le mot même, de la sécurité. Ces personnes-là, elles sont en survie. J’ai compris l’instinct de survie et ça me permet de mieux comprendre leur réalité. Quand on n’a rien, qu’est-ce qu’on fait ? Quand on essaie de se mettre à leur place, nous les intervenants, même nous on se dit des fois qu’on n’y arriverait pas, mais de voir l’impact positif qu’on peut avoir sur leur vie, même quand ils n’ont plus rien, pour moi, c’est vraiment ça ma paye. Quand ça te touche personnellement, puis surtout dans un travail comme ça, c’est difficile, justement, de…. Tu sais, t’as une relation avec la personne, qui est vraiment différente. T’es pas sa mère, t’es pas son amie, t’es pas une collègue de travail, t’es la personne qui l’aidait par rapport à sa consommation. Quand la personne elle décède, de sa consommation, on se demande vraiment qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour changer ça, tu sais. Mais la réalité, c’est qu’il y a vraiment rien des fois à faire. Nous ce qu’on a fait, c’est vraiment d’être là. Mais des fois le mal-être il peut pas être guéri. Moi, je ne suis pas médecin, je suis pas psychologue puis malgré tous les professionnels qui peuvent entourer la personne, le mal-être il peut être vraiment profond puis difficile à aller chercher puis à aller mettre un baume là-dessus. Je pense qu’en tant qu’intervenante, faut tout le temps être sensible au travail émotionnel qu’on fait. On a toujours une barrière quand on travaille avec la personne, on ne prend pas les émotions, tu sais, on est vraiment là pour se mettre à la place de l’autre personne, la comprendre, l’accompagner. Parce que si on prend l’émotion, on n’aide pas pantoute. Si la personne elle pleure puis moi je pleure, il n’y a rien qui marche là. Mais le travail émotionnel, des fois, il est plus important que ça puis on s’en rend pas compte quand on arrive à la maison puis qu’on a vécu, tu sais, quelque chose que… Les gens ils viennent nous voir tous les jours en nous mentionnant tellement des moments lourds de leur vie. On dirait qu’on les lâche jamais, il y a toujours quelque chose qui se passe. Fait que c’est important vraiment de continuer à se reculer de ça quand on arrive à la maison. Je pense que, tu sais, il y a d’intervenants qui sont plus capables de séparer ça. Ça fait pas 20 ans que je fais ça. Fais que je suis encore en train de travailler là-dessus, mais c’est vraiment important parce que justement, il y a une fatigue émotionnelle qui peut arriver. Dans le communautaire, on voit ça souvent. C’est quelque chose qui se passe, les intervenants ils partent en arrêt de travail, ils reviennent. C’est important de préserver notre santé mentale. Puis je pense que c’est important aussi d’être bien entouré dans ton organisme. Moi dans mon organisme, on ne parle pas de congé maladie, mais on parle de congé santé. Ça change déjà la manière de voir la chose. On nous encourage à prendre congé quand on se sent pas bien, pas juste parce qu’on a mal au bras ou mal à la tête. Parce que c’est important pour notre travail de vraiment être là puis prête à écouter la personne malgré, tu sais,  comment on est puis comment on peut se sentir cette journée-là. C’est important. Puis, je pense, c’est la priorité, c’est de se poser la question : « Est-ce que je suis prêt aujourd’hui à aller travailler et à écouter les gens ? » ou je suis bouleversé par certaines choses ou je sens que j’ai pas dormi de la nuit et que je ne serais pas la meilleure intervenante pour la personne. Fais que c’est tout un travail aussi de mettre ses limites puis de penser à ça. C’est quelque chose qui je pense va se travailler toute ma vie. Mais ça fait partie du travail. En même temps, moi je le fais beaucoup par motivation intrinsèque, là, tu sais. C’est une passion. Fais que c’est sûr qu’il y a des émotions là-dedans. Fait qu’il faut que j’essaie de voir quelle émotion, et où je la mets, tu sais. Quand je fais de la défense de droits, je trouve que c’est une belle manière de gérer cette émotion-là  tu sais : d’aller vraiment vers les solutions, pas vers le problème… d’avancer. C’est le fun pour moi, tu sais, de continuer d’avancer et de voir les solutions, mais c’est aussi plaisant pour les personnes qui sont entourées de problèmes de penser que oui, il y en a une solution. Puis, il y a des droits à défendre, il y a des revendications à faire. Tu sais, t’as le droit d’être défendue parce que tu es une personne comme une autre. C’est ça qui m’aide vraiment à mieux canaliser cette émotion-là, c’est de la changer un peu en motivation, en quelque chose qui m’aide à aller vraiment défendre les revendications des personnes qui consomment. Narrateur :  Malheureusement, le nombre de décès dus à la consommation d’opioïdes au Canada continue d’augmenter chaque année. Cette crise affecte la santé et la vie de gens de tous les horizons, de tous les groupes d’âge et de toutes les situations économiques. Elsa nous fait part de ses idées pour aider à réduire le nombre de surdoses liées aux opioïdes et sauver des vies. Elsa :  Je pense qu’on doit espérer des changements autant structurels que législatifs, aussi un changement au niveau de l’investissement implanté dans la répression et la prohibition qui a démontré, qu’aucune des mesures mis en place jusqu’à maintenant ne semble réduire les taux de mortalité de manière conséquente. En ce moment, le cadre législatif au niveau des substances ne nous permet pas de sauver des vies, et surtout criminalise toute une communauté de personnes. Faut se rappeler qu’un consommateur de drogues illicites est encore considéré comme un criminel au Canada. Mais est-ce que c’est vraiment des criminels ? Si on les considère comme des criminels, qu’on les envoie en prison, est ce qu’on est vraiment en train de promouvoir leur santé, est-ce qu’on les aide vraiment ? C’est des personnes tout comme vous, puis si un jour vous vous retrouvez en situation précaire, que vous consommez et que ce soit problématique ou non, je suis convaincue que vous ne voudriez pas qu’on vous voie comme un criminel. Je pense vraiment qu’il faut agir puis pas oublier aussi la source du problème. Au-delà de la criminalisation, il y a vraiment une problématique au niveau de l’approvisionnement en substances. En ce moment, l’approvisionnement en drogues contaminées, soumises à aucun contrôle de qualité, c’est un facteur déterminant des décès par surdoses puis c’est aussi ce qui empêche pas la personne de consommer. La contamination des drogues est dangereuse, pourquoi ? Parce qu’on pense que c’est les drogues de rue, les consommateurs de rue, qui sont à risque, mais nous savons que ceux qui consomment ne proviennent pas tous de ce milieu, et ceux qui ne proviennent pas de ce milieu, peut-être qu’ils ne connaissent pas les ressources. Dans le fond ils pourraient se retrouver par exemple, dans une situation où, une fin de semaine décident de consommer de la cocaïne de manière récréative (ce qui arrive quand même, on ne peut pas se le cacher), sans penser peut-être qu’elle serait contaminée, sans savoir que des organismes distribuent des tests pour détecter la présence de fentanyl, donc ils sont à risque de surdoses, et n’ont peut-être même pas en main l’information nécessaire pour éviter ce genre de situation. Si je vous pose la question : si vous consommez 2 fois par année, est-ce que vous avez vraiment pensé à avoir votre trousse de naloxone avec vous ? L’approvisionnement en drogues contaminées, et la criminalisation de cette consommation vous mets à risque de surdoses et vous étiquètent comme un criminel. Il faut des changements et des changements rapides, parce que les décès se comptent aujourd’hui par milliers. J’ai eu l’immense privilège de travailler avec une personne qui encore aujourd’hui m’épate dans son cheminement. Je l’ai vu grandir et reconnaître ses forces, dans toutes les opportunités d’implication qu’elle a eues. La vérité c’est que cette personne-là m’a tellement appris sur moi-même. Avec la lourdeur de son vécu, les larmes lorsqu’elle me l’a partagé, c’est impressionnant de voir à quel point l’être humain peut s’adapter en mode survie, et comment, aussi il peut se rétablir. Aujourd’hui, avec son vécu, son expertise, elle prend parole pour défendre ceux qui ont passé par le même chemin qu’elle. Je pense que ce qui est important là-dedans, c’est qu’il y a de l’espoir dans chaque histoire… faut simplement voir le positif dans les détails, parce que si on n’y croit pas nous-mêmes, on n’aide pas la personne à s’accorder une valeur et à se faire confiance. C’est probablement auprès d’elle que j’en ai appris le plus. Narrateur :  La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides. Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.
L’histoire de Mélissa L’histoire de Mélissa

L’histoire de Mélissa

En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vues et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent. C’est ici que l’histoire de Mélissa commence…

L’histoire de Mélissa

L’histoire de Mélissa

En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vues et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent. C’est ici que l’histoire de Mélissa commence…

Produit par Santé Canada: Canada.ca/opioids
Narrateur :  Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes.  Chaque jour, environ 11 personnes meurent d’une surdose d’opioïdes au Canada.  On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-même à l’abri.  En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vues et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent.  C’est ici que l’histoire de Mélissa commence…  Mélissa :  J’avais une bonne emploi comme préposée aux bénéficiaireseuh… qui avaient le cancer des os, en phase terminaleJ’avais un super beau condo, euh… une belle voiture neuveune voiture sport Tiburon, manuelle. Ma famille me croyait pas que j’étais pour l’obtenirmais je l’ai euÇa l’a été une fierté pour moiJ’avais pleins de bons amis, et je consommais de la coke à l’occasion. Puis mes relations familiales allaient super bien.  À 14 ans, au secondairej’me tenais avec des p’tits gars d’Ottawapis on consommait de la speed. À 18 ans j’ai rencontré un gars, une relation sérieuse qui a duré 7 ans. L’infidélité a faite en sorte qu’on se laisse, puis j’ai alors commencé à faire de l’escorte vue que c’était payantJ’ai commencé à mettre des annonces dans le journal. J’ai fait d’la porno pis ça m’a amené à apprivoiser le crime organiséJ’me sentais « safe » avec eux autres pis si jamais y m’arriverait quelque chose ben j’ai juste besoin des appeler pis s’est faite.  C’est alors qu’un d’eux autres est venu habiter chez moi. Pis, j’voulais l’aider sans savoir ce que ça m’amènerait. Suite à une surdose que la personne à l’a faite j’lui ai sauvé la vie. Pis il cherchait une façon à me remercier en m’payant mon loyer pis en m’initiant à l’héroïne que lui me payait puis j’avais 24 ans à ce temps-.  J’ai réalisé que ça allait pas à l’âge de 28 ans. Je consommais de l’héroïne, du crack, d’la speed, les oxys et du fentanyl. Toute à basculer quand j’ai tout perdu. Mon chum, mon appartmes amismes meubles, mon linge et mon hygièneJ’avais honte de moi. Je me suis même rendue jusqu’à squatter des maisons abandonnées  il y a aucun chauffage et aucune eau courante. J’avais des dettes envers les vendeurs de drogues et aussi le gouvernementJ’ai fraudé les banques en mettant des enveloppes vides dans l’guichetJ’avais à peu près une vingtaine de carte de crédits variée entre 100 dollars et 5000 dollars. J’ai perdu mon permis de conduireJ’ai maintenant un casier judiciaire et tout le monde sait que quand on a un casier judiciaire on est pris à travailler au salaire minimum le restant de notre vie. Ma voiture a été repris par la compagnie vu que je pouvais pus faire les payements. Je suis donc rendu à 28 ansj’ai fait faillite et je suis aussi rendue avec une probation pour les trois prochaines années.  Donc, chu donc rendu à 28 ansj’me retrouve à la rue, plus de logement, plein de dettespu d’autopleins de problèmes familiales pis j’savais pu quoi faire. Mon instinct s’est mis en mode survieRèglement numéro 1 c’était la consommation. À chaque heurechaque minute, et à chaque seconde d’la journée, je dois avoir mon « fix ». Je me suis retrouvée chez tel personne pour quelques jours et chez l’autre pour quelques jours. Des fois j’avais pas de place à coucher donc je couchais sur un banc de parc dans n’importe quel parc.  J’avais plus d’hygiènepuis je pesais 80 livres. J’mesure 5 et 6, donc je devrais techniquement peser 125 livres. J’étais littéralement la peau et les os. Quand j’avais pas d’argent pour me payer ma dope, j’me tournais vers la prostitution ou même plus facile que ça, je couchais avec les vendeurs de drogues en échange de consommation.  La consommation c’est vraiment un démon qui pense pour toi, qui agit pour toi, et elle te contrôle d’une façon si cruelle. Elle te démolit carrément . Je consommais avec plusieurs personnes. Puis le monde te vole il te manipule pour avoir ta consommation. Quand t’habite dans la rue, ta vie est constamment en danger. J’avais encore plus de problèmes avec la justice et entre autres, encore une probation, et encore plus de problèmes familiaux.  J’ai habité dans la rue pendant 3 ans. Après 3 ansj’étais littéralement épuisée physiquement et mentalement. En janvier 2018, je suis entrée en thérapie pour la première fois de ma vie aux CRDO [Centre de réadaptation en dépendance de l’Outaouais]. J’ai resté deux semainesparce que je pensais que j’étais pour être guérie après en sortant de thérapieC’est vraiment dure une thérapie pour quelqu’un qui consomme. On a peur, on ne sait pas à quoi s’attendreC’est du changement et des fois on n’est pas prêt à changer.  J’ai fait des rechutes, après rechutes, et on retourne toujours à nos anciens patterns de consommation. Chu retournée en thérapie en mai 2018 et j’ai réussi avec succès, ma thérapie de 38 jours. On est « safe » en thérapieJ’ai réussi et j’en suis fière. On apprend beaucoup de chose en thérapie mais la plus importante quand qu’on sort c’est la la, comment qu’les gens réagissent en te voyant t’es t’en santét’a pris du poidst’a pu de cerne pis c’est merveilleux. Maintenant je vais bien, mais j’ai chuté à la 75ième journée… pourquoi? Parce que je suis retournée dans mes anciens patterns de consommation.  Sur moi-même j’ai appris que j’étais belle, que je peux être heureuse sans la consommation. Je dois penser à moi avant les autresC’est important de parler à quelqu’un quand ça va pas. Je suis redevenu indépendante. Je suis rendue aujourd’hui à 32 ansj’ai mon appartement, je me cuisine de la bouffe, je suis importante et que c’est vrai dormir la nuite porte conseils. Je pèse 115 livres. Ça fait 2 mois et 2 jours que je n’ai pas consommé. Il faut travailler fort, mais ça vaut la peineÊtre heureuse et plus consommer est le plus beau cadeau que j’aurais pu m’offrir.  J’ai aussi appris que quand je consommaisj’avais plein d’amis. Et maintenant mes anciens amis me trouvent plate, et c’est normal, je ne consomme plus. Je me suis rebâtie un nouvel entourage, j’ai confiance en moi et ça c’est l’important. Envers la société, vu que j’ai un casier judiciaire, je suis étiquetée comme criminelle. Les gens jugent trop vitequand tu consommes les gens te traitent de toute sorte de noms : salopecharrue, junkie, pétasse, etc. Maintenant que je suis sobre les gens me voient comme une bonne personne sérieuse et à son affaire, et aussi bien important, une citoyenne responsable.  Je fais aussi partie de l’association l’Addict qui est pour les gens qui consommeou qui consomme pu. Je pars le 30 décembre 2018 pour une thérapie de 3 mois à Ottawa et j’en suis fière. Cela va être mon défi pour l’année 2019. Je souhaite pouvoir dire que oui c’est dur, et c’est pas facile mais prenez le temps ça vaut la peine. Je vais super bien et je veux que ça aille encore mieux. Après mon 3 mois j’aimerais ravoir mes permis de conduirefinir de payer mes dettes, et être bien heureuse et surtout souriante. Faut pas que t’aille peur de demander de l’aideÇa vaut la peine, bonne chance à tous. Mon nom est Mélissa C.  Narrateur :  La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides.  Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.
L’histoire de Donna L’histoire de Donna

L’histoire de Donna

Donna nous parle de sa relation avec sa fille, qui était aux prises avec une consommation de substances. Écoutons l’histoire de Donna.

L’histoire de Donna

L’histoire de Donna

Donna nous parle de sa relation avec sa fille, qui était aux prises avec une consommation de substances. Écoutons l’histoire de Donna.

Produit par Santé Canada
Narrateur :  Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes. D’après les statistiques les plus récentes, environ 12 personnes meurent d’une surdose d’opioïdes au Canada. On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-mêmes à l’abri. En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vue et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent. Donna nous parle de sa relation avec sa fille, qui était aux prises avec une consommation problématique de substances. Écoutons l’histoire de Donna. Donna :  Elle a souffert de symptômes d’anxiété et de maladie mentale pendant des années avant de recevoir un diagnostic. Elle s’est auto-médicamentée avec de l’OxyContin qui lui avait été prescrit. Et elle était très honnête à ce propos, elle disait : « Cela fonctionne, cela m’aide avec mon anxiété sociale ». Et vous savez, dans ma grande naïveté, j’ai dit parfait, continue à prendre ce médicament, puisque tu arrives à fonctionner ! Tu fonctionnes bien comme ça, c’est parfait, c’est facile de s’entendre avec toi. Et ensuite le médecin a cessé de lui prescrire lorsque ma fille lui a expliqué, « c’est pour ça que je le prends », et il a dit : « mais je ne prescris pas ça pour cette raison » et lui a dit qu’il ne voulait plus être son médecin. Et donc elle s’est tournée vers les drogues de rue et ça l’a entrainé dans une terrible spirale qui a fait en sorte qu’elle a tout perdu. Ses enfants, sa maison, sa relation, tout, et elle a fini dans la rue, elle est devenue la droguée type que tout le monde cherche à éviter lorsqu’on la croise dans la rue. Et alors, mon expérience a été que j’ai été dure avec elle et cela a fait en sorte qu’elle s’est enfoncée encore plus. Lorsque j’ai vraiment compris à quel point elle était en danger, il était trop tard et je n’ai pas pu la convaincre de demander de l’aide. Puis, comme je l’ai déjà dit, un jour, nous avons reçu un appel de l’hôpital nous demandant de venir rapidement, car ma fille était sur la table d’opération et qu’on ne savait pas si elle allait se réveiller. Ils devaient amputer sa jambe pour arrêter une fasciite nécrosante. Et lorsque nous sommes arrivés à l’hôpital, la chirurgie était terminée et ils n’avaient rien pu faire pour arrêter l’infection. La maladie avait atteint les organes internes et elle allait mourir. Et finalement, il fallait qu’elle me dise, tu sais, il faut vraiment savoir ce que la dépendance aux drogues est vraiment. Et lors de ses derniers jours, c’est ce qu’elle a fait avec moi, elle m’a parlé de cette dépendance, de ce qu’elle vivait et des raisons sous-jacentes pour lesquelles elle avait besoin de prendre des drogues. Ça a été une révélation. Vous savez, quand elle est décédée, elle voulait que j’aide d’autres mères et d’autres pères à comprendre les raisons pour lesquelles leur enfant prend réellement des drogues. Et ce n’est pas pour le plaisir, ou pour s’amuser, et ce n’est pas simplement pour faire comme votre entourage. Lorsque vous commencez, il est très difficile d’y renoncer, surtout lorsqu’il s’agit d’opioïdes, car ils modifient le corps d’une personne. Cela a été mon plus gros défi, de dire aux parents que consommer n’est pas uniquement un acte délibéré, quelque chose qu’ils peuvent arrêter. Nous devons vraiment faire des efforts pour comprendre les effets des opioïdes sur le corps d’une personne et de la dépendance qui en résulte. Et vous savez, les parents trouvent plus facile — et personnellement j’ai trouvé cela plus facile — d’être dur que de tenter de résoudre un problème que personne n’a réussi à solutionner pendant des décennies. Et ça remonte à l’époque où les opioïdes étaient ce que j’appellerais des « drogues propres » parce qu’elles étaient prescrites. Et aujourd’hui, ce qui est vendu sur le marché, je veux dire, les gens n’ont même plus le temps de développer une dépendance. Les gens meurent souvent avant même d’avoir pris leur deuxième dose dans de nombreux cas. Alors, on ne parle plus du même genre de crise qu’à l’époque où ma fille consommait… Aujourd’hui, les parents n’ont même plus le temps d’être fermes avec leur enfant ni même d’avoir le temps de réfléchir à cette possibilité, c’est la mort automatique, vous savez, et les parents reçoivent un appel leur annonçant la mort de leur enfant plutôt qu’un appel leur disant que leur enfant est dépendant des drogues. Moi, j’ai eu cette chance. Je l’ai gaspillée. Mais aujourd’hui, beaucoup de parents n’ont pas cette chance. Dans la plupart des cas, je pense qu’il est pratiquement impossible de voir venir les choses. Vous savez, un jeune va à une fête et quelqu’un lui dit : « Hey, essaye ça », et ils le font et ça peut être n’importe quoi, de la cocaïne, à un party de pilules et parfois du fentanyl mélangé à la drogue et les jeunes sont parfois naïfs à propos des opioïdes et puis c’est fini, ils sont morts. Si je devais revivre cette période avec tout ce que je sais aujourd’hui, et je le fais avec mes petits enfants, mes neveux et nièces, j’en discuterais de façon honnête et franche. Je leur explique qu’il y a une crise, qu’il y a toutes ces drogues épouvantables qui circulent. Et, vous savez, d’être extrêmement prudent dans tout ce qu’ils font et dans les décisions qu’ils prennent. Je ne suis pas assez naïve pour croire qu’ils n’essaieront jamais de drogues. Je ne veux pas voir un autre membre de ma famille mourir en raison des drogues alors je tiens à les prévenir, leur expliquer comment utiliser la naloxone, de ne jamais consommer seuls, de les informer de toutes les précautions qui existent. Je veux leur donner tous les outils pour s’en sortir et je leur dis qu’ils peuvent me parler de tout. Vous pouvez tout me demander et je serai là pour aider. Je ne critique pas, je ne fais pas de stigmatisation, je ne voudrais surtout pas faire ce que j’ai fait lorsque ma fille était là. Il faut simplement être présent, en discuter ouvertement, être là si quelqu’un a besoin d’aide. Vous ne pouvez pas simplement avoir une attitude moralisatrice et vous dire que vous êtes au-dessus de la crise. Une telle attitude mène à la mort. Narrateur :  Donna a elle-même fait face à une utilisation problématique de médicaments disponibles sur ordonnance. Malgré son expérience, elle a trouvé difficile de comprendre ce que vivait sa fille. Donna :  Vous savez, je prenais de l’OxyContin, de la neurotine, Effexor, Wellbutrin, tous sur ordonnance et tous en même temps, et je buvais. J’étais totalement dépendante, et j’ai arrêté par sevrage brutal. J’ai été en mesure de le faire et ce n’était pas agréable pour les gens autour de moi. Mais j’ai réussi. Ma fille n’a pas eu cette chance, au lieu de l’aider, je l’ai plutôt critiquée et stigmatisée… je veux dire c’est à cause de moi si on lui a retiré ses enfants et si on l’a mise en prison. L’aspect répressif, ou l’aspect criminel, voilà ce qui l’a empêchée de nous demander de l’aide. Elle a essayé de se débrouiller seule alors qu’elle était en crise. Donc non, ce n’est pas la solution, ce n’est pas la façon correcte de faire les choses. Je suis convaincue que le remède à cette crise passe par les services de santé, les services sociaux et les services en santé mentale. Je pense qu’il est important que les gens se sentent libres de parler de leur combat contre la dépendance. Et je pense que d’en parler au grand jour est la seule façon de résoudre la crise actuelle. De la façon que l’on traite les gens qui consomment des substances, nous les forçons à se cacher et, comme je l’ai dit plusieurs fois, c’est ce qui les tue. Nous ne pouvons résoudre un problème que nous ne voyons pas. Si nous pouvons en discuter ouvertement avec les gens qui consomment des substances, de même qu’avec les gens qui sont là pour les aider afin de comprendre tous ensemble ce que nous pouvons faire plutôt que de simplement appliquer des solutions toutes faites, alors nous allons trouver les véritables solutions. Et selon mon expérience actuelle de diriger des sites clandestins de prévention des surdoses, j’avais des avocats et des juges qui venaient juste pour être surveillés pendant qu’ils consommaient leur drogue. Donc, créer une atmosphère où ils se sentent en sécurité. Mais pourtant, il fallait que ça reste clandestin, ce n’est pas aussi ouvert qu’on pourrait le penser. Les gens sont prêts à recevoir de l’aide. Ils sont prêts à cesser de consommer, mais nous devons développer un système qui va les guider vers nous et faire en sorte qu’ils se sentiront à l’aise et qu’ils ne consommeront pas dans leur chambre. Nous avons eu un jeune garçon âgé d’à peine 13 ans qui est venu nous demander de l’aide. Il faut accepter le fait que de toute façon, ce garçon consomme et il doit le faire dans un environnement supervisé pour éviter qu’il ne meure d’une surdose, et nous devons offrir à tous les autres des services sociaux, des services de santé et de santé mentale. Ce garçon venait d’une bonne famille. Il s’était fracturé une jambe, avait pris des opioïdes pour contrôler la douleur, et il n’arrivait pas à se sevrer, mais ne pouvait en parler avec son médecin, ne pouvait en parler avec sa famille, et le sevrage était extrêmement douloureux. On lui disait simplement d’être fort, d’endurer le mal, de s’en remettre. Alors il s’est rabattu sur les drogues de rue. Et il volait les membres de sa famille pour trouver l’argent pour se procurer sa drogue. Et il continuait. Plutôt que de punir l’enfant lorsqu’il prend des mauvaises décisions pour obtenir quelque chose dont il a besoin, ça aurait été une meilleure situation de dire : « Pour quelle raison voles-tu ? Pour quelle raison tentes-tu de vendre tout ce que tu trouves dans la maison ? Pour quelle raison as-tu encore besoin de consommer ces drogues ? » Puis l’amener chez le médecin et dire OK, il faut faciliter le sevrage, baisser sa dose et lui permettre de ne pas être trop malade pendant le processus. Et nous devons faire attention à ça et surveiller ce qu’il se passe. En rétrospective, j’agirais différemment avec ma fille et je lui dirais : « OK, tu es tombée en bas de l’escalier, on t’a donné de l’OxyContin et tu en es maintenant dépendante. Allons voir le médecin, allons à la clinique de traitement des dépendances et trouvons une façon qui fonctionne… pour passer au travers la douleur du sevrage et de tout le reste, et simplement revenir à une dose acceptable jusqu’à ce que tu cesses complètement. » Je pense que le premier conseil que je donnerais aux parents est de ne pas présager de ce qui arrivera. Il faut respecter les valeurs que la personne qui consomme veut atteindre. Et peut-être que cette personne consommera pour le reste de sa vie, mais qu’elle pourra bien fonctionner en société en même temps. On ne doit pas attendre des gens qu’ils deviennent ce qu’on veut qu’ils deviennent. Il faut leur permettre d’être ce qu’ils veulent être. Et… dans le cas de ma fille, lorsqu’elle a su qu’elle allait mourir, elle a dit : « Je veux juste être en paix. Je ne veux plus vivre avec ces démons qui s’agitent dans ma tête et je ne veux plus subir la douleur des blessures que je me suis infligées à moi-même. Je veux me sentir en paix ». Et sachant qu’elle allait mourir de toute façon, il me fallait simplement accepter cela, non ? Je devais accepter le fait qu’elle allait continuer de consommer ces substances jusqu’au moment de sa mort. C’est son choix, ce n’est pas le nôtre, ce n’est pas notre vie à vivre. Bien sûr, je veux les protéger les gens. Je veux que tout le monde demeure en vie, mais… il reste que les gens font leurs propres choix, et lorsqu’on est dans une position où l’on est incapable de faire les bons choix, il faut les soutenir dans leur désir de faire les bons choix. Aujourd’hui, je m’efforce de diriger les gens vers une clinique où ils auront un accès rapide pour traiter leur dépendance. Ils s’assoient et on leur demande : « Que veux-tu ? Consommer en toute sécurité ? Réduire ta consommation ? Faire un sevrage brutal ? Comment pouvons-nous t’aider et te soutenir ? » Et ils font un plan. Un contrat est établi et tous travaillent pour ce que ça fonctionne. Oui, il y a beaucoup de rechutes, et il y a des allez-retour, mais le dialogue est ouvert et les gens ne sont redevables qu’à eux-mêmes : c’est ce que j’ai décidé de faire et c’est ce que je veux faire et ces gens sont là pour me soutenir dans cette action. Plutôt que de les enfermer, de les forcer dans une clinique de traitement et de refermer la porte et de leur dire, vous allez souffrir dans ce processus. Non seulement ils sont d’abord punis par ce qui a causé leur dépendance aux opioïdes, mais ils sont punis également lorsqu’ils tentent de s’en sortir. Je ne pense pas que l’on peut continuer à les punir pour ça. Nous devons être en mesure de les aider. Pour cela, nous devons d’abord et avant tout traiter les causes de leur dépendance. Narrateur :  La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides. Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.
L’histoire de Darryl L’histoire de Darryl

L’histoire de Darryl

La vraie question, c’est comment un médecin, quelqu’un de très instruit, peut-il devenir dépendant au fentanyl? C’est ici que l’histoire de Darryl commence…

L’histoire de Darryl

L’histoire de Darryl

La vraie question, c’est comment un médecin, quelqu’un de très instruit, peut-il devenir dépendant au fentanyl? C’est ici que l’histoire de Darryl commence…

Produit par Santé Canada
Darryl : La vraie question, c’est comment un médecin, quelqu’un de très instruit, peut-il devenir accro au fentanyl? Voici comment ça se passe. Je suis déjà accro au Percocet, je suis en phase de sevrage et je veux simplement me sentir mieux. Narrateur :  Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes. Chaque jour, environ 11 personnes meurent d’une surdose d’opioïdes au Canada. On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-mêmes à l’abri. En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vues et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent. C’est ici que l’histoire de Darryl commence… Darryl : Je m’appelle Darryl Gebien, je suis né et j’ai grandi à Toronto. Après 17 années de scolarité, j’ai trouvé un travail dans ma province natale, l’Ontario, dans une salle d’urgence. Tout allait bien pour moi. Je débutais ma nouvelle carrière. Mon stage de résident était exigeant, mais je recevais une excellente formation. Mais un jour je me suis réveillé. J’avais toujours eu des maux de dos, mais ça allait de moins en moins bien. C’était comme ça depuis que j’avais 18 ans, de façon intermittente. J’ai toujours su qu’il y avait un problème avec mon dos, mais à ce point-là c’était tout le temps. Et un jour quelque chose a changé. Ma mère s’est rendu compte que j’avais ces douleurs, et elle m’a donné un de ses comprimés de Dilaudid. Elle avait des maux de dos. C’est certainement un facteur héréditaire. Ça a été mon premier contact avec un opioïde et j’ai tout de suite aimé. La douleur était apaisée et en plus, ça m’a mis de bonne humeur. Je me sentais bien. J’ai donc tout de suite aimé parce que ce qu’une seule pilule a enlevé ma douleur, et je me sentais bien au niveau psychologique. Ma mère a rapidement compris ce qui se passait, car lorsque je lui ai demandé un autre comprimé à peine deux heures plus tard, elle a eu un petit rire nerveux et m’a dit : « Je vois bien qui se passe. Non, non, non. Tu n’en auras pas d’autres. » Ce n’était que le début pour moi. Si Advil ne suffisait pas, alors un opioïde ferait le travail. La douleur diminuait un peu. Elle allait et venait. Je pouvais être des mois sans avoir mal. Mais peu à peu la situation a empiré. J’ai commencé à prendre de plus en plus de Percocet. J’avais une ordonnance de mon médecin de famille à ce moment-là. Je prenais du Percocet de façon intermittente. Ma première ordonnance a duré longtemps. Je me souviens que la bouteille de comprimés est restée dans ma pharmacie près d’un an. Mais le véritable problème, c’était qu’il ne se passait rien de sérieux dans ma vie. Ma vie allait bien. Mais cette partie de moi qui aime le risque et me fait essayer de nouvelles choses a pris le dessus et j’ai commencé à prendre un comprimé en regardant mes copains jouer au golf sur la PlayStation avec quelques bières. Et puis un jour, je me suis demandé comment je me sentirais si je prenais un comprimé de Percocet avec quelques bières. Ça a été une très mauvaise décision, car je venais d’ouvrir une boîte de Pandore. Mais c’est un peu dans ma nature. Pourquoi j’ai fait ça? Je n’étais pas conscient que je venais de m’engager dans une spirale horrible qui a presque entraîné ma mort d’une dépendance de fentanyl, plusieurs années plus tard. C’était le début de ma déchéance. Je n’en prenais pas toutes les fins de semaine, juste une fois de temps en temps lorsque je sortais avec des amis. Je n’en prenais donc plus uniquement pour mes maux de dos. Il m’arrivait d’en prendre socialement. Est-ce que cela faisait de moi une mauvaise personne ? Que j’avais une morale douteuse ? C’est comme ça que ça commence pour beaucoup de personnes. Je ne suis pas seul. Et je ressens beaucoup de honte et de malaise face à cette situation. Aujourd’hui, j’ai appris à le reconnaître et j’ai repris le contrôle. J’ai appris à la dure qu’il me fallait être prudent dans mes décisions. Mais en repensant à ce temps-là, je constate que j’ai été entraîné dans une lente et progressive descente aux enfers. De jour en jour, ça devenait plus fréquent, je prenais plus qu’un comprimé, et c’était plus souvent que quand je buvais. Et pour jeter de l’huile sur le feu, certains changements survenaient aussi dans ma vie. J’ai rencontré une femme. Elle est venue du Nouveau-Brunswick pour me rejoindre à Toronto et tout s’est fait très rapidement. Elle avait une fille. Ma vie a changé très vite. Je n’allais pas bien. Nous avons eu un autre enfant, mon premier, son deuxième. Alors nous avons acheté une maison. Je passais rapidement de la vie de célibataire en condo à la vie de famille, je travaillais tard le soir à la salle d’urgence, le mariage avait été précipité, la grossesse avait été précipitée. En raison de cette précipitation, ma relation avec elle commençait à battre de l’aile, nous n’arrivions plus à communiquer. Nous étions tous les deux à blâmer. Pour empirer les choses, la relation entre ma mère et mon épouse était conflictuelle. Et c’était une situation extrêmement difficile. J’ai cessé de voir mes parents. Ma femme et ma mère ont eu des échanges par courriel très agressifs et j’ai dû prendre une décision sur la marche à suivre. J’ai choisi mon épouse. Cela a empiré la situation, puisque j’étais maintenant privé de mon réseau de soutien. Nous sommes une famille très unie. La relation avec ma famille se détériorait, mes maux de dos empiraient et je m’isolais de plus en plus de mes amis et de ma famille. Je gardais mes émotions pour moi. Je ne me confiais plus à mon épouse ni à personne d’autre. Et aussi dans ma profession, traditionnellement, nous ne partageons pas nos sentiments, nous restons professionnels. Je réussissais à tenir le coup avec les drogues. Elles m’aidaient à contrôler mon anxiété. Et mes maux de dos. Et mes maux de dos empiraient. Ils m’affectaient de plus en plus et ma jambe était aussi affectée sur le plan neurologique, j’avais des faiblesses à la jambe. Ma vessie aussi était affectée. J’avais des problèmes urinaires. Et ensuite, ma femme et moi avions décidé de quitter Toronto parce qu’elle était malheureuse dans cette ville. Mon travail me le permettait, mais aussi, honnêtement, je voulais mettre une distance entre moi et ma famille. Une autre mauvaise décision. Nous avons déménagé à Barrie. Ce fut le coup de grâce, car en à peine deux ans, ma dépendance était devenue hors de contrôle. Narrateur :  Coupé de sa famille et loin de ses amis, Darryl s’est retrouvé isolé physiquement et émotionnellement de son réseau de soutien qui l’avait jusqu’alors aidé à rester à la surface. De plus en plus, il ne ressentait plus aucun plaisir à faire des activités qu’il aimait, sauf une qui remplissait le vide qu’il ressentait en lui, ce qui était exacerbé par ce qu’il voyait comme un environnement de travail toxique. Darryl:  Ça m’a anéanti. Tout ce qui allait mal dans ma vie. Je faisais un travail stressant. En rentrant le soir, j’étais déjà stressé et j’avais ces disputes incessantes avec mon épouse. Lorsque j’y repense aujourd’hui, il est évident que j’avais de sérieux problèmes. J’avais oublié à quel point la situation était désastreuse. Je me souviens que je rentrais du boulot et que je dormais dans mon auto stationnée dans l’entrée. Voilà bien la preuve que la situation est sérieuse. Je ne voulais pas rentrer à la maison et subir une dispute ou le stress de ma relation avec ma femme. Il faut faire un retour en arrière et dire que ma dépendance au Percocet était de plus en plus grande. Et je dois vous dire à quel point la dépendance est insidieuse. Toute personne qui se voit prescrire du Percocet le sait bien, si l’on prend régulièrement ce médicament pendant plus d’une semaine et que l’on arrête subitement, on ressentira les effets du sevrage. C’est un médicament très puissant et auquel on devient accro de façon très insidieuse. Alors on cesse de le prendre. Le jour suivant, les effets du sevrage se manifestent, sans que l’on s’en rende compte. On se sent irritable, de mauvaise humeur, anxieux, nerveux, on transpire, on grelotte, on a mal. Mais on ne sait pas trop pourquoi. Je ressentais tout ça, mais je n’avais aucune idée de ce qui se passait. Cela a pris plus d’une semaine dans mon cas, c’était plutôt plusieurs mois. Cela fait quelques années maintenant. Un jour, je voulais arrêter et 24 heures plus tard, j’étais dans un état terrible en raison du sevrage. Mais j’en ignorais la cause au début. Certains comparent les symptômes à ceux d’une grippe, mais c’est bien pire. Parce que la grippe ne vous affecte pas sur le plan psychologique. On se sent peut-être un peu déprimé, c’est tout. Avec le sevrage ce sont les effets psychologiques qui sont les pires. Qu’est-ce qui se passe dans votre tête ? Vous avez l’impression que vous allez mourir, que le monde autour de vous va s’effondrer. Et ça, c’est très puissant. Personne ne veut se sentir malade. Mais comment éviter de se sentir malade ? En en prenant plus. Alors je prenais un autre Percocet, et tada! je me sentais bien de nouveau. Ce fut déterminant, car à ce moment-là, j’étais totalement accro. Dépendant. Je me sentais malade et très mal en point sur le plan psychologique si je ne prenais pas de comprimé. J’étais esclave de la drogue. Alors comprendre les effets du sevrage a été une étape importante. En six mois, ma consommation de Percocet avait beaucoup augmenté, je vous l’ai déjà expliqué. Un jour, j’ai manqué de Percocet, mais j’avais un timbre transdermique de fentanyl à la maison. Il était là depuis un an. Je les utilisais à l’occasion pour mes maux de dos. Mais cette fois-là, c’était différent. Quand j’étais en phase de sevrage, j’étais désespéré, et je voulais simplement me sentir mieux. C’est un comportement classique chez ceux qui ont une dépendance. Certains sont prêts à tout pour se sentir mieux : voler à l’étalage, voler leurs proches, brûler des ponts, voler des banques ou des pharmacies, vendre leur corps. Et les médecins font des ordonnances d’opioïdes de façon excessive. J’ai absolument tiré avantage du fait que je pouvais moi-même rédiger des ordonnances. J’étais en manque de Percocet… et j’avais ce timbre de fentanyl alors mon insouciance a fait le reste, et j’ai fait une recherche sur Google pour savoir comment le fumer. J’avais entendu dire qu’on pouvait fumer un timbre de fentanyl. Je ne voulais pas simplement l’appliquer sur ma peau parce que l’effet n’était pas assez fort. C’est dire à quel point ma dépendance était grande. Ma tolérance aux opioïdes était rendue à ce point. Appliquer le timbre n’apaisait pas ma souffrance. Alors j’ai fait une recherche sur Google pour savoir comment le fumer, et j’étais seul à la maison. J’ai découpé le timbre en petits carreaux et je l’ai fumé. C’était extrêmement puissant. J’aurais pu mourir là d’une surdose si je n’avais pas déjà développé une résistance au Percocet. L’effet était très puissant et j’ai aimé cela tout de suite. Je me suis senti exactement comme la première fois que j’ai pris du Percocet, ou plutôt du Dilaudid, des années plus tôt. Le sentiment était semblable. Je découvrais quelque chose de nouveau, et mon cerveau s’est recâblé. J’aimais ça, et j’en voulais plus. Le problème, c’est que le fentanyl est extrêmement puissant. Cette drogue est cent fois plus puissante que le Percocet, sinon plus. Et non seulement c’est puissant, mais l’effet de sevrage est encore plus rapide, car le fentanyl est une drogue qui prend effet très vite. Alors vous vous sentez tellement bien, mais vous retombez aussi plus rapidement. En une quinzaine de minutes, j’en voulais plus et j’en reprenais. C’est aussi rapide que cela. Ma dépendance était hors de contrôle, accélérée. C’est comme une spirale qui s’emballe. Et le lendemain, je ne pouvais plus arrêter. Ce fut six mois d’enfer. En six mois seulement je me suis retrouvé aux portes de la mort. Il fallait faire quelque chose. J’allais mourir non pas d’une surdose, mais simplement d’une utilisation excessive. J’avais perdu énormément de poids. J’essayais de le cacher et de faire comme si tout allait bien. J’étais encore capable de travailler et je ne consommais pas durant mon travail. Je m’en sortais, j’évitais le sevrage en portant un timbre de fentanyl. Et je mourais à petit feu. Ma mère en était consciente. Mes amis en étaient conscients. Mais je ne recherchais pas d’aide. Puis, à quelques reprises, j’ai essayé d’arrêter de consommer. Je me rendais chez mes parents. Je restais couché sur le sofa pendant cinq jours et j’étais dans un état lamentable. J’essayais de me sevrer. Je pensais qu’une semaine serait suffisante. Je m’absentais du travail et j’essayais de me sevrer en une semaine. Mais c’était loin d’être suffisant. Finalement, il m’a fallu six mois pour m’en sortir. Six mois, pas une semaine. J’ai fini par me rendre. La pharmacie avait compris ce qu’il se passait. La police s’est impliquée et j’ai été arrêté. Mon employeur a été contacté, j’ai été mis en arrêt de travail. Je suis allé en cure de désintoxication pendant cinq ou six semaines. J’y ai vécu un véritable enfer. J’ai été tellement malade. On ne l’utilise plus aujourd’hui, mais on m’avait prescrit du Suboxone pour accélérer le sevrage. La plupart des gens le tolèrent difficilement. Ils recommencent à consommer. Mais j’imagine que pour un docteur comme moi, plutôt têtu, il faut apprendre à la dure. Et je suis heureux qu’ils l’aient fait, mais pendant ma cure j’ai connu non pas un épisode de sevrage, mais trois. Le pire cauchemar de ma vie, et de loin. Je me sentais tellement faible à ce moment-là, mais au bout des 36 premières heures, les pires symptômes s’étaient dissipés, et il a fallu six autres mois pour venir à bout des symptômes physiques. Et ça a pris deux ans de plus pour que les effets psychologiques disparaissent. Je n’arrivais pas à prendre de décisions. J’avais d’énormes problèmes de concentration. Évidemment je ne travaillais pas, mais il m’a fallu beaucoup, beaucoup de temps pour passer au travers. J’ai eu quelques rechutes. La police enquêtait sur moi. La dernière rechute a eu lieu peu après la fin de ma cure. On aurait dû me garder. Pour être honnête, je n’étais pas prêt, j’étais encore très malade. Mais je devais passer au tribunal et on m’a relâché et je voulais quitter le centre de cure. Donc j’ai fait une rechute. Alors j’ai eu ce qu’on appellerait un incident de douche sèche. J’ai eu une rechute en consommant du fentanyl. Je l’ai fumé dans la douche au sous-sol. J’ai fumé en bas afin que l’odeur ne se répande pas dans la maison. Je n’ai pas réalisé sur le coup que la dose était excessive et ma femme m’a sauvé la vie. Elle ne me voyait plus dans la maison alors elle est descendue au sous-sol. À ce jour, je pense encore que c’était le soir, mais elle me dit que nous étions le matin. Lorsqu’elle m’a trouvé, j’avais le visage tout vert, presque bleu, et je respirais à peine. J’avais des symptômes de cyanose, ce qui veut dire « sayonara ». Lorsqu’elle m’a trouvé, j’étais à l’article de la mort. Et je me souviens de son regard lorsqu’elle a crié mon nom. J’ai ouvert les yeux et vu la peur sur son visage. Jamais je n’oublierai cette image. Je lui ai fait vivre l’enfer. Narrateur : La vie de Darryl a été sauvée ce jour-là. Et ensuite ? Est-ce que ce moment l’engagerait sur la voie de la guérison? Darryl :  Je n’oublierai jamais son regard, mais je voyais bien le mal que je lui avais fait, ainsi qu’à moi-même. On pourrait penser qu’après ça, ça serait fini. Mais non. J’ai continué. Continué à consommer. Elle m’a enlevé tous les accessoires de drogue qui se trouvaient autour de moi et dans la douche. Pourtant, j’ai recommencé à consommer. Et je m’en foutais. À ce point-là, je me foutais de tout. Ce qui a finalement mis fin à tout ça, c’est le fait d’être arrêté. Deux semaines plus tard, les policiers enquêtaient sur moi et avec cette dernière ordonnance de fentanyl ils se sont rendu compte que je représentais un danger pour moi-même et pour les autres. Donc ils m’ont arrêté. Ils sont arrivés à 7 heures le matin, ont envahi ma maison, m’ont mis les menottes et m’on amené. Ce jour là, j’ai été arrêté. J’ai été incarcéré à la prison de Penetanguishene où je suis resté 18 jours. J’avais cet habit orange de prisonnier alors que trois mois auparavant, j’étais un médecin respecté travaillant à l’urgence d’un hôpital. Le réveil a été brutal. Croyez-le ou non, ce fut le début de ma guérison. Avoir été arrêté et emmené, être privé de la présence de ma femme et de mes enfants, je ne pouvais pas descendre plus bas. J’avais atteint le fond. J’ai alors commencé à remonter la pente. J’ai commencé à guérir pendant ces 18 jours de prison. Ce fut une expérience effrayante, mais je m’en suis sorti. Mes parents sont venus régulièrement me visiter. Lorsque j’ai été libéré sous caution, je n’avais pas le droit de vivre avec mon épouse, alors, elle habitait notre maison avec les enfants et moi, je me suis installé chez mes parents à Toronto. J’ai alors suivi d’autres cures et je m’en suis finalement sorti. J’ai fait six mois de cure, je me sentais enfin mieux. J’étais bien dans ma tête. J’étais guéri. Il y a une séquence d’événements qui mène à la décision de céder et de faire une rechute. J’ai compris que si je prenais les bonnes décisions, je me sentirais en paix avec moi-même et tout irait bien dans ma vie. Si je prends les mauvaises décisions, si je rechute, il n’y aura que du négatif dans ma vie. Et il faut un certain nombre de rechutes avant de comprendre cela. Si je pense à mes décisions passées, je deviens impulsif. C’est un autre trait de ma personnalité, l’impulsivité. Il faut la reconnaître et la contrôler. Je porte cela en moi maintenant. J’ai pris de bonnes décisions dernièrement, et j’ai beaucoup avancé ma guérison, une bonne guérison, car je prends mieux soin de moi. J’ai appris à exprimer mes émotions, à ne pas tout garder en dedans et à parler de mes problèmes aux gens. J’ai assisté à des centaines de réunions du programme à 12 étapes, j’ai participé à des groupes de suivi. J’ai rencontré un spécialiste en dépendance, j’ai participé à un groupe de Caducée, qui regroupe des professionnels de la santé aux prises avec les mêmes problèmes. On appelle ça « Caducée« . Je me suis bâti un fort réseau de soutien. Et pendant deux ans, j’avais beaucoup d’incertitude sur mon futur. En effet, le procureur de la couronne demandait une peine de 12 ans de prison. Douze ans. J’ai vécu ainsi, à ne pas savoir ce qui allait m’arriver. Et puis bien sûr, les maux de dos, qui étaient toujours là. Ça continue. C’est beaucoup de stress. Mais j’ai appris à en parler. J’ai appris beaucoup, je suis devenu un expert dans la gestion du stress sans médicament. C’est toute la différence entre le nouveau Darryl et l’ancien Darryl. Cela m’a aidé de nombreuses façons. J’ai compris que les mêmes choses qui m’avaient aidé à guérir m’aident aussi à trouver le bonheur. C’est énorme, ça. Des choses comme apprendre à être en contact avec les autres. C’est extrêmement important. Ne pas tout garder en dedans. Être honnête. Ne pas tout intérioriser. J’utilise toujours ce mot pour dire l’importance d’exprimer ce que l’on vit. Alors, quelque chose a recommencé à vivre en moi. Ma mère attendait ce moment avec impatience, elle se demandait quand cela allait arriver. Ce sentiment de renaître s’est développé et je me souviens avoir dit un jour à un gars qui était en cure avec moi : « Je me sens enfin comme celui que j’étais il y a cinq ans. » Il m’a répondu : « Non, non Darryl… tu te sens mieux que celui que tu étais il y a cinq ans. » Il avait raison. Et je me sens de plus en plus fort chaque jour. Mais j’en ai bavé pour me rendre là. Alors j’ai vécu dans l’incertitude pendant deux ans, à ne pas savoir ce que me réservait l’avenir. J’ai plaidé coupable. En fait, je faisais du trafic de fentanyl. Mais pas du trafic pour faire de l’argent. Je n’étais pas un dealer. Beaucoup de gens, comme moi aussi, pensent que faire du trafic veut dire vendre. Mais non. Le simple mouvement des drogues, donner de la drogue, partager un joint dans une fête, c’est du trafic. Si je rédigeais une ordonnance de fentanyl pour quelqu’un qui me le redonnait, forcer le pharmacien à me donner une drogue avec une ordonnance fictive, c’est considéré du trafic. J’ai donc plaidé coupable et j’ai été condamné à deux ans plus un jour de prison, ce qui faisait en sorte que j’étais sous responsabilité fédérale. J’étais terrorisé, bien sûr, de voir mon avenir entre les mains du juge. Finalement, la sentence était plutôt clémente et j’en ai été soulagé. Au moins, je savais maintenant ce qui allait m’arriver. Vivre pendant deux ans dans une telle incertitude, c’était horrible. On m’a menotté et conduit en prison. Ce n’est pas très agréable. Être là, au tribunal, voir tout le mal que j’avais fait à ma famille et à mes amis. Et les voir pleurer. Mais je l’acceptais. J’ai donc été dans le système fédéral et emprisonné pendant huit mois. J’ai eu un comportement exemplaire. J’ai d’abord été incarcéré à l’unité à sécurité moyenne à Joyceville. C’est une unité d’évaluation. J’y suis resté deux mois en évaluation, puis j’ai fait six mois à l’unité à sécurité minimum aussi à Joyceville. Ça s’est bien passé. À ma sortie de prison, en décembre 2017, j’ai eu un peu de difficulté à reprendre une vie normale. Encore aujourd’hui, les bruits forts et toutes formes de violence me dérangent. J’imagine que ce sont-là quelques séquelles. C’est bizarre, car je n’ai pourtant pas été témoin de beaucoup de violence en prison, mais je ne peux tout simplement pas supporter quelque forme de violence que ce soit à la télévision. Mais en fin de compte, mon séjour en prison s’est bien déroulé. J’ai écrit beaucoup. J’ai été tuteur de maths. J’ai travaillé comme aide-bibliothécaire et j’ai été actif physiquement. Alors ma santé s’est améliorée. Me voici donc, six mois plus tard et je ne me suis jamais senti aussi en forme de ma vie. Aujourd’hui, je parle publiquement de la crise des opioïdes. Je parle de la dépendance aux opioïdes et, de façon plus générale, de l’abus des substances. Je parle volontiers de mon expérience sur les forums publics, dans des séminaires, devant des étudiants, des groupes de policiers. Il est important pour moi d’expliquer, de parler publiquement de ce problème, quelle que soit l’occasion. Pourquoi des gens volent les pharmacies ou se prostituent. Je veux apporter des réponses et donner un visage humain à ces problèmes, expliquer pourquoi des personnes se rendent jusque-là. Je vois les mécanismes en jeu, ce que je ne voyais pas lorsque j’étais un médecin qui ne se gênait pas pour juger les toxicomanes. Partout, dans toutes les salles d’urgence d’Amérique du Nord, on ne traite pas ces gens convenablement. Il faut aussi changer cela. Il ne faut pas juger les gens, surtout lorsqu’on travaille dans les services de santé. Pas de jugement. Nous devons voir les personnes derrière ces gens qui abusent de diverses substances, qu’ils consomment trop d’opioïdes ou qu’ils soient carrément accros aux drogues. Nous devons regarder plus loin que leurs tentatives de manipulation et tenter de comprendre qu’ils agissent ainsi parce qu’ils sont malades. Et je veux que les médecins et les infirmières comprennent et traitent ces gens avec compassion et humanité plutôt que de les juger. Narrateur : La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides. Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.
L’histoire de Charlotte L’histoire de Charlotte

L’histoire de Charlotte

On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-même à l’abri. C’est ici que l’histoire de Charlotte commence…

L’histoire de Charlotte

L’histoire de Charlotte

On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-même à l’abri. C’est ici que l’histoire de Charlotte commence…

Produit par Santé Canada
Narrateur : 

Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes.

Chaque jour, environ 11 personnes meurent d’une surdose d’opioïdes au Canada.

On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-même à l’abri.

En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vue et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent.

C’est ici que l’histoire de Charlotte commence…

Charlotte : 

Bonjour, je m’appelle Charlotte Smith. Je dirais que mes problèmes ont commencé lorsque j’avais presque 13 ans et ma mère biologique est venue en Angleterre, car elle est britannique, mais elle avait déménagé au Canada et s’y était mariée, mais elle n’avait jamais été présente dans ma vie. J’ai été adoptée à l’âge de six mois.

Lorsque j’avais environ 13 ans, ma mère s’est mise à ma recherche pour m’adopter et me reprendre avec elle donc elle l’a fait. Et elle a payé pour mon immigration au Canada. Elle m’a parrainé. Ça a été une transition dévastatrice pour moi. J’avais le mal du pays. La première année s’est bien passée, nous vivions en quelque sorte une lune de miel, mais après ça, tout s’est mis à dérailler.

J’ai commencé à m’automutiler au bras et à éviter ma mère biologique. Je sortais beaucoup avec mes amis. Je ne voulais pas rentrer à la maison. J’avais le sentiment qu’on n’y voulait pas de moi.

J’avais trouvé un enregistrement que ma mère avait fait d’auto thérapie où elle pleurait à gros sanglots dans l’enregistrement en disant que je n’étais pas vraiment comme sa fille, et que je ne parlais pas comme elle et que je ne partageais pas les mêmes valeurs qu’elle et c’était évident que ça la dévastait.

Au fur et à mesure que ma santé mentale s’est mise à décliner, son comportement avec moi a aussi empiré. J’ai commencé à subir de la violence émotionnelle de sa part.

Éventuellement, elle m’a déposé chez une famille d’accueil où j’avais gardé les enfants. C’était quelques semaines avant Noël, quand j’avais 15 ans. J’ai pleuré sans arrêt pendant environ trois jours. Environ une semaine après mon arrivée dans cette famille, je n’étais pas sous la tutelle de la SAE (la Société de l’aide à l’enfance), mais ma mère biologique payait un loyer à cette famille pour qu’elle me garde, et ça a été accepté par la SAE.

J’avais tellement peur d’être seule. Je n’avais pas de famille au Canada autre que ma mère biologique et je me disais que si cela ne fonctionnait pas dans ma famille d’accueil, je serais complètement seule dans un pays où je ne me sentais vraiment pas chez moi.

Leur mariage a été dissous. Ça a complètement détruit le foyer d’accueil. Je me suis retrouvée à vivre seule, vivant tour à tour chez cet homme et sur des fermes de chevaux où j’avais fait du bénévolat à l’âge de 13 et 14 ans, après mon arrivée au Canada.

Les chevaux, ainsi que cette expérience, représentaient une belle occasion pour moi d’être logée, car j’avais de l’expérience pour nettoyer les stalles – lorsque je suis retournée à ces endroits, j’étais devenue une adolescente de 16 ans itinérante. Ils m’ont accueilli et laissé travailler là en échange d’une chambre. Mais j’ai aussi commencé à consommer beaucoup d’ecstasy. Je n’avais jamais pris de drogue avant d’être expulsée de chez moi.

Mais après cela, tout semblait encore plus désespéré qu’avant. C’était une façon d’oublier. Une façon d’oublier que je m’ennuyais de l’Angleterre, et aussi une façon aussi d’oublier la perte de ma mère biologique que je venais juste de retrouver.

Narrateur : 

À l’âge de 18 ans à peine, Charlotte a quitté le Canada et est retournée en Angleterre, sans compétences de vie ou expérience de vivre seule.

Mais les liens qu’elle avait avec le Canada se sont resserrés, et peu de temps après elle a quitté l’Angleterre pour revenir à la seule vie qu’elle connaissait vraiment.

Charlotte : 

Puis les choses se sont encore détériorées parce que j’avais échoué à retourner à ma maison. J’étais revenu au Canada et maintenant les fermes étaient hors de ma portée.

Donc ma consommation de drogue a augmenté. J’ai rencontré des gens qui prescrivaient de l’OxyContin et j’ai commencé à en prendre. Au début, je trouvais ça bien parce que ce médicament me permettait d’avoir plus de force physique. J’ai trouvé un travail en construction et je pouvais faire tout ce que les gars faisaient. Je levais des panneaux de gypse et tout, et j’avais de l’énergie toute la journée à cause de ces comprimés. Et je ne réalisais pas que j’y étais devenue dépendante.

La drogue augmentait aussi beaucoup ma confiance en moi et j’ai emménagé avec une femme qui était aussi dépendante à l’OxyContin, et son fils. Je lui ai montré comment bien les écraser et les renifler, comme c’est ce que j’avais toujours fait avec l’ecstasy. Je ne réalisais pas que ça allait la rendre encore plus dépendante, je ne réalisais pas que même si elle était déjà dépendante aux médicaments d’ordonnance, ça allait augmenter sa consommation, car en faisant comme ça, la sensation est plus intense, mais ça dure moins longtemps. Et bien sûr la tolérance au médicament augmente. Alors nous avons dû utiliser tous ses médicaments et chercher des moyens de s’en procurer plus. Lorsqu’on en n’avait plus, j’étais très malade et le monde entier me semblait gris. En plus des effets physiques.

La femme avec qui j’habitais a dû aller en désintoxication à cause de ça. Et je me suis sentie très responsable. Elle a aussi perdu la garde de son fils pendant un certain temps. Mais lorsqu’elle est sortie de sa cure de désintoxication, elle était avec un gars qui prenait du crack et alors j’ai commencé à fumer du crack avec elle et son petit ami. Et c’était facile, car ce n’était pas la première fois que je voyais du crack.

Avant, j’utilisais un site de rencontres pour me trouver des gens pour m’amener aux endroits où je pouvais me procurer des comprimés d’ecstasy. Je racontais aux gars que je coucherais avec eux s’ils m’amenaient à l’endroit où je pouvais me procurer mes pilules. Un jour, le gars qui me conduisait m’a offert du crack et je crois que j’ai passé 4 ou 5 jours à son appartement, complètement défoncée. Ce n’était pas agréable, j’étais paranoïaque, même si j’étais effrayée, je prenais doses de crack par-dessus doses de crack. Même si je tremblais et suais et je n’étais pas bien.

J’ai quitté cet appartement et je me suis dit « wow ». Il m’a fallu quelques jours pour récupérer. Je me suis dit, « je ne ferais plus jamais ça, et j’espère de ne plus jamais voir ça, » et je pensais vraiment que c’était vrai. Par le temps que je revois du crack, les choses allaient de plus en plus mal et j’avais le sentiment de n’avoir plus rien à perdre. Je n’avais pas de famille. Je n’avais pas de projet d’avenir. J’avais abandonné l’école secondaire. Il n’y avait aucun espoir de retourner vivre avec ma famille en Angleterre.

J’avais un fort sentiment d’être un échec complet. Donc pendant les trois années suivantes, j’ai fumé du crack tous les jours. Les seuls moments où je ne fumais pas, c’est lorsque j’étais en prison ou que j’essayais d’avoir de quoi payer ma drogue, soit en volant à l’étalage ou en me prostituant. Et bien sûr, je prenais aussi de l’OxyContin, et j’ai commencé à m’injecter de l’OxyContin, ainsi que de la morphine et de la cocaïne, ce qui était une expérience terrifiante en fait.

Même si je le faisais, ce n’est pas comme si je n’avais pas peur. Je me rendais dans des maisons où je voyais des gens chercher pendant des heures une veine à piquer, enfoncer des aiguilles dans leur bras pour avoir leur dose. Avoir des abcès, être en crise, utiliser des aiguilles souillées, les partager avec d’autres et honnêtement, même si c’était choquant, j’avais le sentiment d’être finie, que ma vie ne pourrait jamais être ce qu’elle aurait pu être si je n’étais pas venue au Canada ou si ma mère ne m’avait pas mise à la porte.

J’ai donc fait tout cela moi aussi, me piquer avec des aiguilles souillées et les partager. Et si j’ai réussi à cesser de me droguer, c’est uniquement parce que j’ai été chanceuse. Et c’est ce qui est frustrant du système tel qu’il est, il n’y a pas de système public pour aider les gens à se sortir de la dépendance ou de l’itinérance. Il n’y a pas de solution sur laquelle on peut compter.

Tous les gens sont plus ou moins laissés à eux-mêmes et j’ai été chanceuse de m’en sortir. Car lors d’un de mes derniers séjours en prison, j’ai compris que si, en sortant de prison, je recommençais à fumer ou à me piquer, je finirais avec le VIH et le sida. Plusieurs de mes amis à ce moment-là avaient une ou l’autre de ces maladies.

J’ai donc appelé un ami et il a accepté de m’héberger quand je sortirais de prison. Donc j’y suis allé et je ne suis pas revenue en ville pendant probablement presque une année. Pendant cette période, on m’a aidée à trouver un emploi dans une ferme de chevaux. Et tous les jours quand j’allais à la ferme, je voyais les chevaux et j’étais consciente que si je reprenais une pipe, si j’allais à Ottawa, dans le centre-ville, je perdrais tout. Toute la confiance que j’avais commencé à construire avec ces personnes et le privilège de m’occuper de ces animaux. Alors j’ai réussi à rester sobre.

J’ai ensuite étudié au collège pendant une année. En septembre, je commence ma maîtrise. J’ai eu de nombreuses occasions de faire des recherches sur ces gens dont j’avais fait partie, comme les travailleuses du sexe, les toxicomanes et les jeunes sans abri.

Et donc, je peux enfin me projeter dans l’avenir. Et c’est un futur dans lequel j’espère pouvoir aider les gens que j’ai laissés derrière. Car je ressens définitivement la culpabilité du survivant, je souffre du trouble de stress post-traumatique du fait que j’ai été itinérante et que j’ai été dépendante de drogues dures. Donc j’en ressens encore les effets. Je fais beaucoup de cauchemars, de quelqu’un qui fait une surdose et que je n’arrive pas à sauver. Cela m’arrive souvent et c’est quelque chose que je dois continuer d’essayer de mettre derrière moi.

Aussi, je combats toujours ma dépendance. Je suis plus ou moins dans le droit chemin depuis cinq ans. La dépendance est très puissante et je suis incapable d’en échapper, j’aimerais réussir à arrêter d’y penser. Mais pour le moment je n’ai pas réussi. Et j’ai tant de souvenirs d’Ottawa quand je consommais, que partout où je vais, c’est constamment devant moi.

Et je suis consciente que la dépendance et la consommation de drogue restent invisibles pour ceux qui ne l’ont pas vécu. Mais quand vous en avez fait l’expérience, on ne peut pas éviter ça. Où que vous alliez, il y a des choses qui vous le rappellent et des situations qui provoquent l’envie de consommer et il est alors très difficile de résister, et il n’y a pas forcément beaucoup d’aide autre que des rencontres hebdomadaires avec des conseillers ou des séances de groupe avec d’autres utilisateurs de drogues, comme Narcotiques anonymes (NA).

Mais en réalité, c’est quelque chose qui est toujours en vous. Et j’ai même vu des amis mourir et tous les jours, des gens meurent à Ottawa suite à l’utilisation d’opioïdes. Et, aussi douloureux qu’il soit de voir mourir ces gens, ce n’est pas assez pour arrêter cette pulsion d’utiliser… quand cette pulsion frappe. Cela me dégoûte de moi-même et je ne sais pas où se trouve la solution.

Narrateur : 

Quinze minutes ont suffi à Charlotte pour nous amener avec elle pour retracer son parcours.

Elle a ensuite partagé certaines observations sur sa vie, et sur la façon dont le monde a fini par la traiter et la percevoir. Et sur le fait qu’elle a commencé à se voir de façon différente aussi.

Charlotte :

Une chose que j’ai remarquée lorsque je fumais du crack ou que je prenais de l’héroïne, de l’OxyContin ou de la morphine dans la rue, c’est que je n’étais plus considérée comme une jeune fille. On devient responsable de soi, on me considérait comme une adulte responsable et consciente de ses décisions, et qui choisissait simplement d’emprunté le mauvais chemin. Je ne me sentais pourtant pas du tout comme une adulte, j’avais encore la mentalité de quand j’avais 15 ans.

Alors je trouvais très difficile de me faire traiter comme une adulte, par exemple, quand j’allais voir le travailleur social pour chercher un chèque de bien-être social et qu’il était très antipathiques parce que j’utilisais de la drogue ou quand je ne pouvais pas trouver d’endroit où habiter, c’était très nuisible. Et c’est terrible, car tu veux tellement que les gens te voient comme une jeune fille de 19 ou 20 ans, et que tu as besoin d’aide.

Mais les gens te voient comme une toxicomane parmi d’autres et que c’est ta faute si tu es dans cette situation. Et vous n’osez pas demander de l’aide parce que vous avez le sentiment de ne pas la mériter, parce que vous pensez que « je suis responsable de ma propre déchéance et je me suis fait ça à moi-même. » Ce qui est vrai dans une certaine mesure, mais il y a tant d’autres facteurs qui entrent dans l’équation et qui m’ont amenée à faire ce choix d’utiliser de la drogue.

Et je pense que cette barrière qui s’installe entre la jeune personne qui utilise de la drogue et le reste de la société, ça vous incite à chercher du réconfort dans des réseaux non officiels. Alors vous vous rapprochez des personnes plus âgées qui vivent dans la rue, des toxicomanes plus âgés autour de vous avec qui vous formez une sorte de communauté. Mais ce n’est pas une communauté saine et ce n’est pas la faute des individus. Ce sont souvent de bonnes personnes et ils viennent aussi de tous les milieux, mais le style de vie associé à la consommation de drogue dans la rue est très toxique.

Donc j’ai rencontré des gens activement impliqués dans le commerce du sexe, des gens qui n’ont pas été honnêtes à propos de ça quand je suis arrivée. Donc ils me présentaient des hommes et moi, naïvement, stupidement, je croyais que ces hommes voulaient sortir avec moi. Alors que non. Ils payaient les gens que je connaissais pour avoir une relation sexuelle avec moi et je n’en avais aucune idée. Cela montre ce que je voulais dire quand je parlais d’être encore qu’une enfant même si les gens me traitaient comme une adulte.

J’étais extrêmement naïve et les gens ne me croyaient pas lorsque je leur disais que j’ignorais que des gens me vendaient ainsi. Pour eux, j’étais simplement une salope. Mais non, je ne savais vraiment pas et lorsque j’ai compris, j’ai tenté de me tuer.

La fille avec qui j’habitais s’injectait des drogues par intraveineuse, et elle a fini par être tout pour moi. Je me sentais en sécurité avec elle et quand j’ai compris qu’elle me vendait à ces hommes et qu’elle s’en fichait de moi en fait, ou qu’elle ne s’en fichait pas, mais que satisfaire son besoin de drogue était si grand qu’elle était prête à risquer ma vie pour se procurer ses drogues, j’étais complètement dévastée, et je me suis planté un canif dans le bras à plusieurs reprises et elle a dû appeler une ambulance. Et elle n’a pas voulu que je retourne chez elle, car j’attirais trop l’attention.

Parce qu’elle avait dû appeler le 911, ce qui est très mal vu dans la sous-culture de la rue, de consommation de drogues et de commerce de sexe, car les policiers sont terribles avec les gens qui consomment de la drogue, d’après mon expérience. Et c’est très dur, même si vous voyez un ami faire une surdose, vous n’appelez pas le 911 parce que vous ne voulez pas avoir de problèmes. Et vous ne voulez pas appeler le 911 parce que vous savez que la personne sur le sol ne veut pas se réveiller et voir la police et se retrouver en prison à cause de leur dépendance. C’est une décision que j’ai dû prendre. Et j’ai déjà laissé mon amie sur le sol avoir les lèvres bleues avant d’appeler le 911 par peur des policiers.

Et quand j’ai tenté de m’enlever la vie lorsque j’ai compris que j’étais tombée dans cette sous-culture où les gens ne peuvent se soucier que jusqu’à leur prochaine dose de drogue.

Lorsque j’ai reçu mon congé de l’hôpital, au Québec, j’étais couverte de sang. Voilà un autre exemple qui montre bien qu’on ne me traitait pas comme une jeune fille, lorsqu’ils m’ont accueilli, ils se moquaient de moi. Ils n’ont pas cru que j’avais tenté de m’enlever la vie; ils ont simplement dit que je faisais une psychose induite par la drogue, que j’étais en manque et que j’avais juste besoin d’une dose et c’est pour ça que j’avais agi ainsi.

Ils ne m’ont même pas remis un billet de bus. Ils m’ont laissée là, devant l’hôpital et j’ai dû trouver ma route pour me rendre chez cette fille qui m’hébergeait en ne sachant pas qu’elle ne voulait plus rien savoir de moi. Ce manque de compassion… je sais que pour eux, je leur faisais perdre leur temps et qu’ils aimeraient mieux s’occuper de vraies personnes avec, ce qui est considéré, de vrais problèmes de santé – qui ne sont pas une dépendance. Pourtant, j’avais réellement besoin d’aide. Et si un adulte m’avait traitée comme une jeune fille qui avait besoin d’aide, les choses auraient pu être différentes. Mais ils n’ont même pas essayé. Et à cause de ça j’ai baissé les bras.

Je n’avais aucune valeur. J’ai marché dans les rues d’Ottawa, les vêtements tachés de sang, et personne ne m’a offert son aide. Seul un chauffeur de bus m’a laissée monter gratuitement. Et les seuls endroits où je pouvais aller, c’était des maisons de crack… je les appelle maisons de crack, mais ce sont des endroits où l’on consomme toutes sortes de drogues, y compris des médicaments sur ordonnance, pas seulement du crack. Des opioïdes, des drogues par injection… et ce sont les gens qui fréquentent ces endroits qui se sont occupés de moi, m’ont laissé dormir sur leurs sofas infestés de punaises jusqu’à ce que je sois suffisamment remise pour qu’on m’enlève les points de suture et que je puisse m’occuper de moi.

Mais je n’avais plus rien d’autre que le travail de sexe, car mon apparence était tellement moche que je ne pouvais même pas me rabattre sur le vol à l’étalage. Si vous allez dans une boutique et vous êtes propre et habillée convenablement, on ne vous remarque pas et il est alors plus facile de voler, alors qu’on vous cible tout de suite si vous avez des vêtements sales et vous avez des gales sur votre visage et les bras. Alors le travail de sexe est à peu près tout ce qui vous reste, car les hommes, pas tous, mais nombreux d’entre eux, se fichent complètement si vous êtes sale, avez des gales ou êtes malade.

C’est toute votre identité qui disparaît au-delà des drogues, de la prostitution et de l’itinérance, c’est tout ce que les gens voient. Ils voient une toxicomane et ils justifient leurs actions contre vous de cette façon. Ils peuvent justifier de vous mettre en prison, vous jeter dehors, avoir des relations sexuelles avec vous quand vous n’êtes clairement pas en état de faire cela, car après tout, vous n’êtes qu’une droguée et vous n’êtes surtout plus une jeune femme apeurée qui a besoin d’aide, qui venait d’immigrer au Canada. Vous êtes quelqu’un dont on peut disposer.

Les gens ne traitent pas les filles ordinaires comme ils traitent les filles qui sont itinérantes et toxicomanes et j’espère que cela pourrait changer. Beaucoup d’hommes qui m’ont fait des choses terribles sont des pères qui ont des jeunes filles à la maison. Et ils seraient prêts à tuer si quelqu’un traitait leur fille comme eux m’ont traitée. Mais parce que j’ai pris la décision de mettre une aiguille dans mon bras, j’ai perdu tous les privilèges dont bénéficient de nombreux humains au Canada. Le droit à mon intégrité physique et le droit de ne pas être touchée lorsque je dors.

Ce n’est pas parce que j’ai choisi de vendre mon corps ou parce que j’ai fait ce choix – parce que c’était le seul choix qui s’offrait à moi – ça ne veut pas dire que je ne peux pas être violée. Parce que oui, j’ai été violée, comme beaucoup d’autres dans la rue. Il n’y a aucun respect pour les toxicomanes.

Narrateur: 

Malgré ses progrès dans la vie, la sobriété reste une source de honte pour Charlotte et elle est toujours conscience de ce qui est attendu d’elle, et ce qui est réaliste.

Charlotte: 

Les gens pensent que, lorsque vous n’êtes plus toxicomane, vous devez éviter toutes les drogues et je pense que c’est ce qui est enseigné dans le cadre de nombreuses approches thérapeutiques. Mais pour moi ce n’est pas le cas, et je pense que c’est une idée fausse et dangereuse.

Si vous me dites que je ne peux plus fumer du cannabis ou boire de l’alcool pour le reste de ma vie, je serais très anxieuse et paniquée en pensant que je n’aurais plus ce filet de sécurité que représentent ces substances socialement acceptées.

Lorsque je me suis sortie de la rue, la marijuana m’a beaucoup aidée à ne pas retomber dans la consommation de drogues dures. Cela m’a aussi aidé à dormir la nuit. Je fais moins de cauchemars. J’ai moins de pensées sombres à propos de mon passé quand je fume la marijuana. J’ai un peu honte de fumer de la marijuana parce que, même si c’est maintenant légal et que c’est moins stigmatisé socialement, je pense que ça peut nuire à ma crédibilité sur le plan professionnel, dans le monde de la recherche, car j’en consomme si souvent. J’ai peur que les gens pensent que je ne suis pas sérieuse dans mon travail ou qu’ils s’imaginent que je suis intoxiquée lorsque je mène mes recherches. Je ne fume jamais durant le jour. Je l’utilise comme une béquille le soir.

J’espère transformer les processus de recherche pour qu’ils fassent partie de la prévention et l’intervention auprès des jeunes sans-abris et qui utilisent des substances de façon problématique. Donc, en favorisant l’engagement positif auprès d’autres jeunes qui sont à risque de vivre dans la rue ou de développer une dépendance, ou qui vivent ces expériences-là. Et leur envoyer le message que lorsqu’on vit dans une situation privilégiée, comme moi en ce moment, chaque interaction avec un jeune qui vit une situation difficile peut être positive.

Cela peut être plus qu’une simple entrevue dans laquelle je recueille des données auprès d’eux et que j’utilise dans le cadre de ma propre carrière. Je peux essayer leur offrir des ressources, leur donner de l’espoir ou à tout le moins leur offrir de l’argent comptant pour leur participation à mes recherches plutôt que des cartes cadeau, qui ne permettent pas de réduire les risques comme l’argent comptant le peut.

Si je donne de l’argent comptant à mes participants, et qu’ensuite ils sont en manque de drogue, ils auront alors une mauvaise chose à faire de moins pour se procurer la drogue parce qu’ils auront ce 20 $. Je pense qu’il y a cette perception que si on donne de l’argent à un toxicomane, on l’encourage à consommer. Je pense que nous devons respecter le choix des gens aussi. Si une personne vous demande de l’argent, c’est parce qu’elle a besoin d’argent. Et ce que cette personne fait avec cet argent ne vous regarde pas. Si vous pouvez lui donner un peu plus de sécurité en lui donnant de l’argent plutôt qu’une carte cadeau, qui ne lui permet pas de se procurer leur drogue… elle sera alors tentée d’arpenter les rues et de solliciter un automobiliste à la recherche de sexe.

Je souhaite que, dans mes recherches, je puisse être pertinente pour les jeunes, que je puisse les encourager à retourner à l’école ou à poursuivre un rêve, quel qu’il soit, afin qu’ils s’éloignent de la rue et des drogues.

Et selon mon expérience actuelle avec les jeunes, je pense qu’ils apprécient le fait que j’ai vécu une expérience semblable à la leur et cela fait en sorte qu’ils sont plus facilement portés à se confier, à dévoiler des détails plus intimes de leur expérience grâce à ça. Ils me l’ont dit. Et ils semblent heureux de voir que je m’en suis sortie et ça leur donne de l’espoir que finalement, leur avenir n’est peut-être pas dans la rue avec une dépendance.

Narrateur : 

La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides.

Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.
L’histoire d’Amy L’histoire d’Amy

L’histoire d’Amy

Josh avait un sens de l’humour extraordinaire et adorait pratiquer des sports. Il est allé à une fête un soir et tout a changé. Sa soeur, Amy, nous raconte son histoire…

L’histoire d’Amy

L’histoire d’Amy

Josh avait un sens de l’humour extraordinaire et adorait pratiquer des sports. Il est allé à une fête un soir et tout a changé. Sa soeur, Amy, nous raconte son histoire…

Produit par Santé Canada
Narrateur : 

Bien en vue est une série audio produite par Santé Canada, qui explore les histoires personnelles de personnes touchées par la crise des opioïdes.

D’après les statistiques les plus récentes, environ 12 personnes meurent d’une surdose d’opioïdes au Canada.

On le voit au bulletin de nouvelles. On est conscient que ça arrive. On sait que c’est vrai. Mais on se dit que ça ne pourrait pas arriver à quelqu’un qu’on connaît, à un collègue, aux gens qu’on aime, et qu’on est nous-mêmes à l’abri.

En réalité, la crise des opioïdes bat son plein bien en vue et peut toucher n’importe qui. Des milliers d’histoires en témoignent.

Josh avait un sens de l’humour extraordinaire et adorait pratiquer des sports. Il est allé à une fête un soir et tout a changé. Sa soeur, Amy, nous raconte son histoire…

Amy : 

Nous avons grandi dans une petite ville de Nouvelle-Écosse. Je suis la plus âgée de quatre enfants. Josh est au milieu. Nous avons eu une belle enfance, l’enfance typique d’une famille de la classe moyenne. Nous pratiquions tous différents sports et avions chacun nos intérêts. Je faisais de la gymnastique et du volleyball. Joshua aimait le hockey, le skateboard et la planche à neige, il a pratiqué des sports tout le long de son secondaire. Nous étions très proches.

Josh aimait prendre des risques et il avait un sens de l’humour extraordinaire. Il a toujours été le clown de sa classe, celui qui faisait rire les gens. Il aimait aussi faire du bénévolat à la garderie tenue par ma grand-mère. Il y passait ses étés à l’aider et à participer aux activités, avec les autres enfants. Quand il est devenu plus vieux, il aimait aussi beaucoup interagir avec les plus jeunes que lui. Et les enfants l’adoraient, car il avait un tel sens de l’humour et il était toujours enjoué avec eux et même dans la vingtaine, il avait gardé son cœur d’enfant.

Lorsqu’il a quitté l’école, il est parti pour l’Alberta. Il s’est trouvé un travail dans l’ouest comme arboriste. Il adorait faire ça. C’était quelque chose qui lui donnait un sentiment d’accomplissement… d’avoir reçu la formation et d’avoir eu une promotion. C’est à partir de ce moment que nos vies ont changé à jamais.

Au début, il s’agissait d’une excellente nouvelle : Josh avait eu une promotion en Nouvelle-Écosse pour revenir à la maison où toute la famille se trouve, et nous étions tous heureux. Et il était aussi très fier de lui, car de retour en Nouvelle-Écosse d’Alberta, il avait pu embaucher certains de ses amis. Il trouvait cela génial. Il avait 21 ans, un réel appétit pour la vie et il entreprenait une nouvelle aventure. Il avait acheté une nouvelle auto en rentrant à la maison et je me souviens à quel point il en était fier, à l’astiquer constamment. Il cherchait un nouvel appartement. Il y avait hâte à plein de choses.

Et le 19 mars, il était revenu à la maison depuis environ deux mois, peut-être même moins. Je ne suis pas sure, mais ça ne faisait pas tellement longtemps. Il habitait avec quelqu’un et s’installait dans la vie, avec un appartement, l’achat de meubles et des choses comme ça.

C’était un vendredi soir. Il avait terminé sa journée de travail. Il devait venir me rejoindre au chalet, un chalet familial, à environ une heure de route d’où nous vivions. Et il m’a appelé et m’a dit : « Je suis tellement fatigué, Amy, je suis désolé. Le travail a été vraiment long aujourd’hui. Je dois ramasser ces meubles pour livrer au nouvel appartement et je suis juste trop vidé pour faire la route. On se reprendra la prochaine fois. » Ce sont les derniers mots que j’ai entendu mon frère prononcer,  « On se reprendra la prochaine fois », ce qui est très ironique, car il n’y a pas eu de prochaine fois.

Nous avons passé une soirée normale au chalet. Je n’avais pas la moindre idée qu’il y avait quelque chose qui clochait. Nous nous sommes réveillés le matin, nous avons fait nos bagages, puis nous sommes rentrés à la maison. J’ai amené ma fille nager et nous avons du plaisir. Sans aucune idée que quelque chose n’allait pas. Lorsque je suis arrivée à la maison, j’ai enlevé le maillot de bain de ma fille, et le téléphone sonnait sans arrêt. Et j’entendais les notifications. Cela commençait à m’irriter en fait… J’essaie d’enlever le maillot de bain de ma petite fille et je pense « Mais qu’y a-t-il de si important ? », genre, tu sais, qui ça peut être ?

Alors j’ai fouillé dans mon sac de piscine, pris mon téléphone, j’ai répondu et c’était ma soeur plus jeune. Juste au ton de sa voix, j’ai su que quelque chose de terrible était arrivé. Elle m’a demandé si j’étais seule. Je lui ai dit que j’étais avec Chloe, ma fille. Et elle m’a demandé «est-ce qu’il y a quelqu’un d’autre avec toi ? » et je lui demandais pourquoi est-ce que c’est important? Et elle a dit que quelque chose était arrivé. J’ai dit : « Mallory, dis-moi ». Et c’est là que je l’ai appris.

Elle a dit : « Josh s’est couché hier soir et il ne s’est jamais réveillé ». Et une onde de choc…  je ne peux même pas l’expliquer. Jamais je n’avais été submergé d’une telle émotion avant ce jour-là. Et le fait de ne pas savoir ce qui pouvait causer une telle chose. Mon frère était un jeune homme de 21 ans en excellente santé et heureux. Je ne comprenais rien. Comment pouvait-il s’être endormi et ne pas se réveiller ?

Au cours de l’année précédente, il avait eu quelques problèmes avec sa rate alors nous avons tout de suite pensé que peut-être il avait eu une rupture de la rate dans son sommeil, et, tu sais, qu’il était seul. Nous avons attendu que le médecin légiste nous appelle quelques jours plus tard et c’est là que nous nous sommes rendu compte que Josh était en excellente santé. Sa mort n’avait rien à voir avec un problème de santé physique. Alors elle nous a demandé si la consommation de substances aurait pu être un facteur.

Nous avons été surpris par cette question. Nous attendions des réponses ce jour-là, pas d’autres questions et elle a dit qu’il faudrait attendre le rapport toxicologique. C’est là que ma famille a commencé à appeler des gens avec qui il était ce soir-là, des amis, pour tenter de savoir ce que sa dernière… ce qu’il faisait, et si la drogue pouvait y être pour quelque chose.

Et rapidement, nous avons appris qu’il était allé à une fête avec un groupe d’amis pour célébrer un anniversaire. Et ils ont essayé un antidouleur vendu sur ordonnance, l’hydromorphone et il avait essayé et c’est ce qui a causé sa mort, nous avons appris plus tard dans le rapport de toxicologie. Nous avons dû attendre longtemps avant d’avoir ces réponses, mais nous avons compris en discutant avec ses amis, et nous savions en parlant avec les gens que c’était surement la cause. Le choc fut absolument terrible.

J’ignorais que d’essayer un antidouleur sur ordonnance, qui est prescrit par un médecin, pouvait occasionner de tels dommages permanents et irréversibles. J’ai toujours pensé que les gens qui souffraient à cause de substances développaient une dépendance et qu’ils luttaient sur une longue période de temps, et que leur famille peut s’en rendre compte, les aider et les convaincre de se faire traiter.

Je n’avais jamais imaginé qu’un soir je parlerais à mon frère, tout le monde est heureux, que tout irait bien et que, le lendemain matin je me réveillerais et qu’il ne serait plus là. À cause d’une seule pilule. Ça me donne un grand sentiment d’impuissance, car, en regardant en arrière, je ne sais pas ce que nous aurions pu faire, maintenant; en 2011 – car c’est arrivé en 2011 – la naloxone était uniquement disponible sur ordonnance. Il y avait peu de sensibilisation sur les opioïdes. Il n’y avait pas de Loi du bon samaritain. C’est le genre de choses qui n’étaient pas accessibles il y a sept ans et dont les gens n’étaient pas conscients, mais qui aurait pu tout changer.

Narrateur :

Dévastée par la mort tragique et inattendue de son frère, Amy s’est impliquée pour sensibiliser les gens au sujet la crise des opioïdes et sur comment celle-ci peut affecter n’importe qui.

Amy :

C’était neuf jours après la mort de Joshua que j’ai commencé à m’impliquer. Je n’avais pas vraiment pensé à m’impliquer, mais je savais que si cela pouvait arriver à ma famille, et à mon frère – et je n’avais même pas imaginé que cela était une possibilité –, alors il y avait bien d’autres personnes dans le monde qui pouvaient être dans la même situation et ces personnes doivent être sensibilisées. Et nous devons faire quelque chose à ce sujet. Car ma famille n’était pas sensibilisée jusqu’à ce que mon frère meure et tout ce que je veux, c’est empêcher d’autres personnes d’être informées de la crise de cette façon – à travers la prévention et l’éducation. Nous pouvons faire beaucoup de choses pour prévenir ces tragédies, parce que ce sont des décès évitables.

Il n’y a pas de solution magique, mais il faut d’abord et avant tout réduire la demande. Il faut sauver la vie des gens qui sont actuellement à risque et qui consomment, en ayant des sites de consommation supervisée, en rendant disponible la naloxone et des traitements médicamenteux. Nous devons traiter les gens qui consomment actuellement, tenter de les sauver et, en même temps, faire de la prévention pour éviter que des gens soient exposés aux opioïdes lorsque cela n’est pas nécessaire, en prescrivant les opioïdes avec prudence et en éduquant et faisant de la sensibilisation. Nous devons travailler en amont et en aval de la crise afin d’avoir un impact significatif et sauver le plus de vies que possible.

Car je ne sais pas combien de fois j’ai entendu ces histoires – je sais que le fentanyl illicite fait des ravages aujourd’hui dans notre pays. Mais je ne sais pas combien de fois j’ai entendu ces histoires où les gens ont d’abord été exposés aux opioïdes par des médicaments d’ordonnance, pensant qu’ils sont plus sûrs et plus propres — et ils sont, d’une façon, plus sécuritaires que le fentanyl illicite —, mais de nombreuses personnes y sont exposées de cette façon et une fois qu’ils développent une tolérance ou un problème de consommation, ça les amène à chercher des solutions alternatives plus fortes et moins chères,  lorsque les substances sur ordonnance ne sont plus disponibles ou plus assez fortes.

Nous devons donc travailler en amont et en aval. On ne peut pas continuer à arrêter les gens pour s’en sortir non plus. Je pense que la décriminalisation des personnes serait très utile. Cela aiderait les gens à demander un traitement. Parce que lorsque vous criminalisez les gens qui consomment des drogues, alors ils le font… ils le cachent. Ils le font en silence.

Car un grand nombre de personnes, même comme mon frère, peut-être que s’il avait survécu cette nuit là et qu’il avait continué à consommer des opioïdes et développé une dépendance et s’il avait eu besoin d’aide. Mais en criminalisant la consommation de drogues, tu sais avec son emploi, avec tout le reste, tu as beaucoup à perdre, car tu admets que tu as violé la loi en disant que tu as consommé des drogues. Alors je pense que ce serait extrêmement utile pour les gens s’ils pouvaient demander de l’aide sans craindre d’être considérés comme des criminels. Je pense que cela serait en effet très utile.

Aussi, la criminalisation est très liée à la stigmatisation. Je n’ai jamais été victime de stigmatisation dans ma vie, jusqu’à ce que mon frère ne meure à cause de la drogue. Je ne savais pas à quoi cela pouvait ressembler, mais j’ai appris rapidement.

Lorsque j’ai commencé à m’impliquer et à parler publiquement, j’ai appris très tôt à ne jamais lire les sections de commentaires parce qu’il y a beaucoup de haine dans la société envers les gens qui prennent des drogues, et l’incompréhension que ces gens sont inférieurs est très douloureuse et commune. Je pense que c’est un des principaux obstacles à la mise en oeuvre d’intervention, le fait que l’utilisation de substances nocives est un enjeu moral plutôt qu’un enjeu de santé. Et tant qu’on ne changera pas la façon de penser de la société, il sera extrêmement difficile d’appliquer des solutions et obtenir du soutien, susciter la volonté politique de soutenir les interventions. Je pense aussi que cela contribue à perpétuer la crise.

Il y a sept ans, lorsque mon frère est décédé, la plupart des décès dus à la consommation d’opioïdes étaient le fait d’opioïdes obtenus sur ordonnance. Et les statistiques étaient alarmantes, des centaines de personnes mouraient chaque année en Alberta. En Nouvelle-Écosse, les statistiques sont restées constantes. Même en Ontario, des centaines de personnes sont mortes chaque année à cause de la consommation d’opioïdes depuis sept ans. Mais personne n’était conscient de la situation et personne ne semblait s’en préoccuper. Et cela a certainement à voir avec la stigmatisation. Ces gens qui consomment, tu sais, se font mal à eux-mêmes. Ce n’est pas là une problématique qui touche un enjeu politique ou qui intéresse les gens. Alors aujourd’hui, on se retrouve avec une importante population de gens qui sont dépendants des opioïdes, et le crime organisé s’est emparé de ce marché et ils sont prêts à fournir du fentanyl illicite, ce qui est véritablement dévastateur.

Ce n’était pas nécessaire qu’on se rende jusque là, mais la stigmatisation a fait en sorte qu’insidieusement, la situation a empiré sans que les gens n’en soient vraiment conscients jusqu’à ce que la situation prenne des proportions dévastatrices.

Je pense qu’il est utile que les gens partagent leurs histoires et mettent des visages sur cette situation. Et , comme je dis souvent, c’est un club auquel personne ne veut appartenir, mais il compte malheureusement pourtant un grand nombre de personnes. Et je vois aujourd’hui beaucoup plus de sensibilisation et de gens qui racontent leur histoire qu’il y a sept ans lorsque mon frère est décédé. Et je pense que c’est très utile de pouvoir mettre des visages sur ces gens, d’entendre ce que les familles qui ont été affectées ont à partager, les familles ont une voix, et même les gens qui consomment actuellement, les gens qui consomment des drogues, ils ont aussi une voix. Et cette voix compte. Alors les gens qui ont vécu cette expérience ont un rôle important à jouer et ils doivent avoir voix au chapitre. En nous entendant, en nous voyant, nous pourrons réduire la stigmatisation.

Narrateur : 

La vie de plusieurs Canadiens est dévastée par la consommation problématique d’opioïdes. Les statistiques sont tragiques et sidérantes. Derrière ces statistiques, il y a des gens. Cette crise a un visage. C’est celui d’une amie, d’un collègue, d’un proche. Quand on regarde dans les yeux d’une personne touchée et qu’on voit son propre reflet, c’est par là que commence l’élimination de la stigmatisation qui empêche souvent les gens qui consomment de la drogue d’obtenir de l’aide. Pour en savoir plus sur la crise des opioïdes, rendez-vous au Canada.ca/Opioides.

Cette série audio est produite par Santé Canada. Les opinions exprimées par les personnes qui témoignent pendant cette émission sont celles de ces personnes et non celles de Santé Canada. Santé Canada n’a aucunement validé l’exactitude des propos entendus pendant l’émission. Reproduction de ce contenu, en tout ou en partie, à des fins non commerciales est permise.
La stigmatisation empêche les gens d’aller chercher de l’aide La stigmatisation empêche les gens d’aller chercher de l’aide

La stigmatisation empêche les gens d’aller chercher de l’aide

Pour Lori, médecin, la stigmatisation liée à la consommation de substances empêche ses patients de se faire soigner et retarde leur guérison.

La stigmatisation empêche les gens d’aller chercher de l’aide

Pour Lori, médecin, la stigmatisation liée à la consommation de substances empêche ses patients de se faire soigner et retarde leur guérison.

Produit par Ville de Hamilton
Audio disponible en anglais seulement Dr Lori Regenstreif – Spécialiste médicale en dépendances, département de médecine familiale, Université McMaster Je m’appelle Lori Regenstreif, je vis et travaille à Hamilton, je suis médecin et spécialiste des dépendances. Je pourrais difficilement dire que je n’ai qu’une seule histoire à rapporter, dans laquelle j’aurais été témoin de la stigmatisation vécue par un de mes patients, car pour la plupart de mes patients, il est chose courante de vivre la stigmatisation. D’où vient cette stigmatisation? Je pense que les principaux facteurs sont à la fois systémiques, structurels et historiques. Je crois aussi que c’est une manifestation de la peur. Les gens ont peur qu’un être humain puisse être comme ça, que cela pourrait leur arriver car ils ont un proche qui a ce même problème, qu’ils pourraient finir de la même façon que cette personne effrayante.  L’autre aspect est la peur qu’inspire cette personne, alors que la plupart du temps elle est inoffensive. Nous sommes entourés de gens qui sont aux prises avec de graves troubles liés à la consommation d’alcool ou d’opioïdes. Ils travaillent, ont des enfants, ont des familles, rentrent chez eux,  ils conduisent, ils font tout cela, ils paient leurs factures la plupart du temps, ils peuvent parfois avoir des problèmes financiers, mais ils ont des mécanismes de protection  qui leur permettent de passer inaperçu.  Il y a une très forte proportion de gens dans la société dans cette situation.   Il faut à ces gens beaucoup de temps avant de venir me consulter par crainte de stigmatisation et parce qu’ils ne s’identifient pas aux personnes de la rue que l’on reçoit. En même temps, à l’autre bout du spectre, se trouvent ceux et celles qui sont désespérés, qui ont tout perdu même s’ils n’avaient pas grand-chose en partant, mais qui ont perdu le peu qu’ils avaient que cela soit de l’argent, des relations, du soutien social, un  logement et bien sûr, nous allons voir ces gens. La stigmatisation liée à la consommation de substances a des conséquences pour mes patients tant dans leur vie quotidienne que dans leurs rétablissement parce que je  crois fermement que cela les retient et les empêche de se rétablir car cela ajoute un obstacle à leur effort pour se rétablir… Les personnes évitent de se rendre à l’hôpital ou de consulter un médecin quand elles sont vraiment très malades, ou évitent de voir une infirmière ou une autre ressource parce qu’elles ont honte de ce qu’elles font et ont peur qu’on leur disent « Vous ne devriez pas faire ça, pourquoi n’arrêtez-vous pas ». C’est que généralement, les gens ne comprennent pas, ne sont pas sensibilisés ou n’ont pas la formation pour travailler auprès des personnes qui ont un trouble lié à l’utilisation de substances. Alors leur approche est extrêmement blessante. Nous devons nous sensibiliser, sensibiliser nos proches, nos enfants, nos collègues de travail, nos étudiants si nous sommes enseignants, car ce sont vraiment nos proches et ceux dont nous prenons soin qui constituent notre société. Et si nous mettons en action tout ce dont je nous pense capables,  nous pourrons réellement commencer à sentir un changement.
Les mots que vous utilisez peuvent sauver une vie Les mots que vous utilisez peuvent sauver une vie

Les mots que vous utilisez peuvent sauver une vie

Gord Garner, Chelsey June et Jaaji de Twin Flames discutent de l'utilisation d'un langage positif pour parler de la guérison de la dépendance.

Les mots que vous utilisez peuvent sauver une vie

Gord Garner, Chelsey June et Jaaji de Twin Flames discutent de l'utilisation d'un langage positif pour parler de la guérison de la dépendance.

Audio disponible en anglais seulement Gordon Garner : Je m’appelle Gordon Garner. Je vis à Ottawa et je suis en rétablissement d’un trouble lié à l’utilisation de substances. Je suis président de la Journée du rétablissement d’Ottawa et je suis conseiller certifié en toxicomanie. Chelsey June : Je m’appelle Chelsey June. Je fais partie du duo musical Twin Flames. Je vis à Ottawa et je suis en rétablissement depuis 12 ans. Jaaji : Bonjour. Je m’appelle Jaaji. Je fais partie de Twin Flames. Nous sommes un groupe de musique d’Ottawa et cela fait à peu près trois ans maintenant que je suis en rétablissement. Gordon Garner : Les mots comptent car nous commençons par nous décrire nous-mêmes, et les gens nous décrivent en fonction de nos comportements qui résultent de notre condition et qui ne reflètent pas qui nous sommes. C’est nous-mêmes, en fait, qui n’approuvons pas nos propres comportements mais une fois plongés dans ces comportements, il n’y a aucun moyen de se sortir du raisonnement « Voilà ce que je suis, donc c’est ce que je suis ». Où est donc la porte de sortie? Si je suis une personne qui souffre de ces comportements alors je demeure une personne, j’ai une porte de sortie en cette personne. Je pense donc qu’il est crucial de changer le langage Chelsey June : Quand j’ai commencé à parler de mon rétablissement et que je me suis sentie suffisamment à l’aise de me confier à ce sujet, je disais que j’étais « propre » depuis le nombre d’années que cela représentait à ce moment-là. Mais quand j’ai rencontré Gord, il utilisait le terme rétablissement. Et je ne l’ai jamais entendu utiliser le terme « propre ». Donc quand je me suis décrite de cette manière, il a parlé du mot rétablissement et comment cela représentait une approche plus légère. Parce qu’en disant que vous êtes « propre », cela signifie presque que vous étiez sale, à un certain point, ou que vous faisiez quelque chose de mal. Et je pense qu’une partie du rétablissement et une partie de l’acceptation des choix faits dans le passé, c’est d’être capable de faire la paix avec ces choix et d’être fiers de ce que nous sommes aujourd’hui, en ce moment. Jaaji : Eh bien je pense que quand vous entendez des termes comme « abus » et « être propre » et utilisez ces termes répandus qui sont utilisés aujourd’hui, cela nous détourne du vrai problème. Gordon Garner : Tout le monde a son langage et sa propre expérience. J’essaie de respecter vraiment la manière dont les gens décrivent leur expérience. Mais en même temps, je veux reconnaître  ce que les recherches démontrent : que changer le langage change l’issue pour les gens. Donc nous ne voulons pas stigmatiser les gens en cours de rétablissement à cause des mots qu’ils emploient pour décrire leur expérience. Mais nous voulons analyser ces mots et voir s’ils sont toujours valables. Chelsey et Jaaji, sont des auteurs-compositeurs, de toute évidence ils croient dans les mots. Des mots différents produisent des résultats différents et ont des significations différentes. Je trouve que c’est une très belle chose. Gordon Garner : Lorsque j’ai assisté à l’un de leurs spectacles pour enfants la semaine dernière au CNA, les enfants étaient fous d’eux. J’ai dû faire attention pour ne pas les écarter pour pouvoir aller danser. Avoir cette opportunité, et voir le travail qu’ils accomplissent au sein des communautés (les voix et langages que je n’ai pas, l’imaginaire que je n’ai pas, et le talent que je n’ai pas) cela me remplit d’espoir pour l’avenir. Et de savoir que j’y ai un peu contribué me remplit de  joie. J’avais l’habitude de tout peindre en noir. Ça a été mon expérience pendant de nombreuses années. Alors de ne plus assombrir les choses mais amener de  la lumière, c’est une vie magnifique. Et ce que je veux dire de très important, c’est que le langage que j’utilisais à mon sujet pour décrire mes comportements, comme s’ils étaient moi, ne me permettait pas d’avoir la vie que j’ai aujourd’hui. Et jusqu’à ce que je puisse imaginer être autre chose que mes comportements, je ne pouvais « être » . Donc je pense que l’imagination est cruciale. Et ces deux-là travaillent à plein temps à élever le niveau d’imagination des enfants pour qu’ils soient ensemble, pour qu’ils soient joyeux et qu’ils aient de bonnes vies. C’est magnifique. (chanson)
Faisons attention de ne pas mépriser les gens qui ont un parcours différent Faisons attention de ne pas mépriser les gens qui ont un parcours différent

Faisons attention de ne pas mépriser les gens qui ont un parcours différent

Au moins un habitant de la Colombie-Britannique sur cinq sera confronté à un problème de santé mentale à un moment ou à un autre de sa vie. Pourtant, de nombreuses personnes touchées ne cherchent pas à obtenir de l'aide. Mais, comme le dit Travis Lulay des BC Lions, s'ouvrir est la chose la plus courageuse que l'on puisse faire.

Faisons attention de ne pas mépriser les gens qui ont un parcours différent

Au moins un habitant de la Colombie-Britannique sur cinq sera confronté à un problème de santé mentale à un moment ou à un autre de sa vie. Pourtant, de nombreuses personnes touchées ne cherchent pas à obtenir de l'aide. Mais, comme le dit Travis Lulay des BC Lions, s'ouvrir est la chose la plus courageuse que l'on puisse faire.

Audio disponible en anglais seulement

Travis Lulay:

Des membres de ma famille ont lutté contre la consommation problématique de substances et j’ai personnellement eu plusieurs de coéquipiers aussi. Plus on est conscient du problème, plus on commence à réaliser que cela nous affecte tous de façon directe ou indirecte.

Pour ma part, j’ai de l’empathie parce que je connais l’histoire de ces personnes, et je sais que ce n’était dans leurs intentions, que c’est plutôt quelque chose qui leur est arrivé.

La vie est compliquée, la vie est parfois chaotique. Les gens sont humains. Je pense que nous devons faire attention de ne pas mépriser ceux qui ont des parcours différents, ou qui sont à des étapes différentes de leur vie.

Wally, notre chef-entraineur, dit souvent que le football c’est la vie mais avec des lignes. Je suis le quart-arrière, je dois prendre des tonnes de décisions sur le terrain et elles ne seront pas toutes parfaites et je dois l’accepter. Si je sais que le reste de mes coéquipiers me soutiennent encore même quand je fais une erreur, qu’il se sentent confiants quand je suis en position derrière le centre, et à la sortie du terrain, qu’ils me donnent une tape sur l’épaule ou me disent « On se reprend à la prochaine série » ou même « On va s’améliorer cette semaine »  après une défaite.

Si vous avez ce genre d’appui dans la vie, si des gens vous disent qu’ils vous aiment, que vous êtes important pour eux et qu’ils veulent que les choses continuent de s’améliorer pour vous, alors je pense que vous serez plus ouvert à votre vulnérabilité ou assez courageux pour faire un pas en avant pour vous améliorer.

En grandissant, on nous a dit tellement souvent qu’être un homme c’était, vous savez, endurer, passer par-dessus, ou trouver une façon quelconque de s’arranger ! Mais je pense c’est un véritable signe de force que d’être capable de se montrer vulnérable. Il faut beaucoup de courage pour le faire.

Nous vivons, respirons, marchons, parlons et partageons la planète avec ces personnes, et je crois que c’est là un enjeu social bien plus large qui dépasse le «C’est eux contre nous ». C’est plutôt nous tous, qui devons agir ensemble.

Nous pouvons tous faire partie de la solution.

À l’écran :

Impliquez-vous. Informez-vous. Demandez de l’aide.

Pour en savoir plus :  StopOverdoseBC.ca
Les gens souffrent en silence parce qu’ils ont peur Les gens souffrent en silence parce qu’ils ont peur

Les gens souffrent en silence parce qu’ils ont peur

Chaque décès par overdose est une fin tragique qui aurait pu être évitée. Geroy Simon, des BC Lions, nous explique comment il a été touché par la crise des surdoses et comment réduire les méfaits si vous ou quelqu'un que vous connaissez consommez des drogues.

Les gens souffrent en silence parce qu’ils ont peur

Chaque décès par overdose est une fin tragique qui aurait pu être évitée. Geroy Simon, des BC Lions, nous explique comment il a été touché par la crise des surdoses et comment réduire les méfaits si vous ou quelqu'un que vous connaissez consommez des drogues.

Audio disponible en anglais seulement Geroy Simon: En Colombie-Britannique, de trois à quatre personnes meurent d’une surdose chaque jour. J’ai des amis et des parents qui ont perdu la vie à cause de la crise des opioïdes et des surdoses. Et cela n’affecte pas seulement ces personnes, mais cela affecte tout le monde autour de ces personnes : leur famille, leur amis, leurs collègues de travail, leurs camarades. De nos jours, l’utilisation illégale de drogues est toxique. En consommer peut avoir des conséquences irréversibles pour vous. Il y a quelques années, une amie de longue date est décédée d’une surdose. Elle consommait des drogues en compagnie d’autres personnes et, lorsqu’elle a fait une surdose, ses amis ont paniqué plutôt que d’appeler immédiatement le 911. Elle est morte. Et un simple coup de fil aurait pu lui sauver la vie. Même s’il y a de la drogue sur les lieux, la Loi sur les bons samaritains est là pour vous protéger car ce n’est pas un crime de venir en aide à quelqu’un. Il existe une trousse que tous ceux qui utilisent des drogues devraient posséder qui s’appelle naloxone, mieux connu sous le nom de Narcan. Ça neutralise les effets d’une surdose. Si vous décidez de consommer, ne le faites pas seul. C’est assurément quelque chose que vous devriez avoir sous la main en tout temps et qui pourrait vous sauver la vie. Je pense que Ies gens souffrent en silence parce qu’ils ont peur. Ils ont honte. Ils pensent à la stigmatisation qui vient avec. Vous pouvez téléphoner, texter, envoyer un courriel. Je crois que c’est important de faire le premier pas et de vous adresser à quelqu’un que vous connaissez, peu importe qui, et lui dire que vous n’allez pas bien et que vous avez besoin d’aide. Personne ne devrait souffrir en silence. Personne ne devrait mourir parce qu’il a honte. Nous pouvons tous faire partie de la solution. À l’écran : Impliques-vous. Informez-vous. Demandez de l’aide. Pour en savoir plus : StopOverdoseBC.ca
Construire de l’espoir Construire de l’espoir

Construire de l’espoir

Les hommes représentent environ 3 sur 4 des décès par surdose au Canada, qui est devenu l'une des principales causes de décès dans le pays. Les hommes qui exercent un métier sont particulièrement exposés aux méfaits de la consommation de substances, y compris les surdoses.

Construire de l’espoir

Les hommes représentent environ 3 sur 4 des décès par surdose au Canada, qui est devenu l'une des principales causes de décès dans le pays. Les hommes qui exercent un métier sont particulièrement exposés aux méfaits de la consommation de substances, y compris les surdoses.

Daniel : C’est fou, à la fin des années 1990, au début des années 2000, je ne connaissais personne victime de surdose. Et maintenant, je veux dire, j’entends parler de gens qui font des surdoses et meurent plusieurs fois par semaine. Lorsque la crise des surdoses a été déclarée urgence de santé publique, ou ce que nous appelons maintenant une crise d’empoisonnement par des drogues toxiques, j’ai pris conscience que je ne serais pas en vie si je consommais encore des opioïdes. Trevor : Lorsque je suis arrivé sur le chantier, j’ai trouvé cet endroit très confortable pour moi. L’école, pour moi, était inconfortable. Je n’avais pas l’impression de m’intégrer parmi mes pairs. Mais quand j’ai découvert la construction, j’ai trouvé beaucoup de gens comme moi. J’ai eu une histoire difficile dans ma vie qui m’a mené à cela, et l’industrie de la construction était un endroit où beaucoup de gens avec des histoires difficiles trouvaient un endroit idéal pour gagner leur vie. Rob : Probablement vers l’âge de 15 ou 16 ans, certainement vers 15 ans, j’ai réalisé que j’aimais bien la sensation d’ivresse, l’alcool, et c’est devenu une grande partie de ma vie. Je pouvais travailler dur, travailler très dur pendant la journée, puis, vous savez, déposer mes outils, puis me rendre au bar ou à la glacière à l’arrière de la camionnette, inévitablement la détente se transformait en une fête assez intense. Kale : Ma consommation de substances est arrivée avant les plateformes pétrolières. En Saskatchewan et dans de nombreuses autres régions des Prairies, il est facile de se laisser séduire à un jeune âge, car il n’y a vraiment pas grand-chose d’autre à faire. Et rejoindre les plates-formes pétrolières, c’était juste une sorte d’avancée avec l’acceptation de plus d’argent, moins de temps, vous savez, la déconnexion des amis et de la famille. Daniel : Beaucoup d’hommes avec qui j’ai travaillé travaillent d’un chèque de paie à l’autre, il n’y a donc pas vraiment d’espace pour les absences du travail. Vous vous retrouvez peut-être dans un état d’esprit ou une façon de penser telle que : « Eh bien, si je prends cette substance, je pourrai passer la journée. » Il y a aussi un élément de récompense, je crois, dans tout ça, vous savez. Vous accomplissez beaucoup de choses. Les gars sont fiers de leur travail. Il est assez normal de terminer par certaines drogues ou boissons. Trevor : Il existe une célébration de la souffrance. Nous sommes fiers de travailler dans cette tempête ou dans la boue. Nous sommes fiers de déplacer le béton et de soulever le bois de construction. Les bonnes personnes sortent et s’amusent un peu. Ils se retrouvent seuls à la maison et l’intention n’a jamais été d’écourter leur vie. Ils voulaient juste se sentir différents, faire une pause ou se défouler. Rob : J’ai essayé de prendre le taureau par les cornes, si vous le voulez. Je voulais que les gens sachent que j’étais en contrôle, que je savais ce que je faisais, mais c’était comme une double vie. Le Jekyll et le Hyde ressortaient, et cela m’emmenait dans des endroits sombres et dans des situations très dangereuses. Trevor : J’ai commencé à consommer dans mon véhicule pendant mon trajet de retour à la maison. Je me rendais dans ma chambre et je consommais jusqu’à très tôt le matin, où je finissais avec une drogue et je passais à une autre pour pouvoir sortir de nouveau de la maison et faire semblant de passer à travers une autre journée de travail. Kale : J’étais au volant. J’avais les facultés affaiblies par la nuit précédente et je me suis endormi au volant. Et j’ai conduit le camion et la remorque avec l’équipement dessus dans le fossé. Et c’était le camion de mon foreur, le camion de mon patron. Et, vous savez, cela a pris un gros dossier et rapport, et j’ai perdu mon emploi en raison de cela. Il s’agissait d’un incident, d’un incident répertorié et l’entreprise a été pénalisée pour cet incident. Rob : J’ai perdu mon frère, que j’aime beaucoup, à cause de la dépendance. Il était charpentier, victime d’un accident du travail et bénéficiant d’une pension permanente, il était devenu dépendant aux opioïdes prescrits médicalement. Il était si fier de son travail de charpentier, mais il ne pouvait pas surmonter la douleur qu’il ressentait, la douleur physique due au dur labeur qu’il a accompli pendant de nombreuses années de sa vie, jusqu’à ce qu’il se casse le dos. Daniel : Ce à quoi nous sommes confrontés, c’est que les gens n’ont toujours pas admis que le risque a changé. Ce n’est pas l’approvisionnement en médicaments de votre père. Je crois que nous devons être plus ouverts aux différentes voies. Et pendant longtemps, la seule voie possible était l’abstinence. C’était aller en traitement, devenir sobre, et puis continuer sa vie. Il y a beaucoup plus de nuance. Nous devons soutenir les gens dans le processus, la thérapie par agonistes opioïdes, un approvisionnement sûr. Ma vie s’est complètement stabilisée quand j’ai pris du Suboxone. Cela a changé la donne. Trevor : Pendant toute ma carrière, j’ai eu l’impression de devoir garder le secret parce que je ne voulais pas perdre le respect des gens autour de moi. Je ne sentais pas qu’il y avait quelqu’un à qui je pouvais parler de ce que je vivais. Si quelqu’un a des difficultés et que vous ne savez pas pourquoi, que cela n’a pas de sens, s’il se dispute trop souvent avec les membres de sa famille, s’il doit constamment déménager, s’il se présente au travail dans un état moins que satisfaisant, allez le voir et posez-lui des questions directes. Vous pourriez leur sauver la vie. Rob : Je savais que j’avais un problème, mais je n’arrivais pas à trouver un moyen de demander de l’aide. Et je suis tellement reconnaissant de l’avoir fait et d’avoir trouvé des gens qui m’ont écoutée, qui voulaient m’écouter et m’aider, que j’ai pu découvrir que je n’étais pas une mauvaise personne. Que j’avais juste une maladie et une dépendance, et que je ne pouvais pas les contrôler par moi-même. J’avais besoin d’aide. Kale : Maintenant que je suis sobre et libéré de ma dépendance, j’aide les gens, essentiellement, dans l’industrie du pétrole et du gaz maintenant. J’ai remarqué que quelques personnes de mon équipe de forage ont décidé de ne plus aller au bar après le travail, comme ils le font habituellement, et d’être en sécurité parce qu’ils ne veulent pas être la raison pour laquelle quelqu’un d’autre perd la vie à cause d’une erreur. Daniel : Si vous vous cachez, si vous consommez de la drogue pour une raison quelconque derrière des portes closes et si vous ne voulez pas en parler au grand jour, il est impératif que vous vous mettiez en contact avec une ressource, une personne à qui vous pouvez parler en toute sécurité et que vous trouviez un moyen de vous protéger. Les sites de prévention des surdoses, les sites de consommation suppervisée epermettent de tester ses drogues. Vous pouvez utiliser une application et être suivi, ou au moins avoir quelqu’un qui vous surveille. Trevor : J’avais peur de perdre mon emploi. J’avais peur que les gens me détestent, que ma famille m’abandonne, et rien de tout cela ne s’est produit. Pas une seule des choses que je craignais ne s’est réalisée. Les gens autour de moi m’aiment. Les gens qui vous entourent vous aiment, et ils veulent simplement vous voir en bonne santé.
Améliorer les cercles de soins Améliorer les cercles de soins

Améliorer les cercles de soins

Voici Marie. Marie est une femme des Premières Nations qui vit dans une collectivité éloignée, à plusieurs heures de l’hôpital le plus près. Elle a des antécédents de consommation d’opioïdes et est enceinte de son premier enfant.

Améliorer les cercles de soins

Voici Marie. Marie est une femme des Premières Nations qui vit dans une collectivité éloignée, à plusieurs heures de l’hôpital le plus près. Elle a des antécédents de consommation d’opioïdes et est enceinte de son premier enfant.

Produit par: Subject Matter Health Research Lab
Au-delà des préjugés : améliorer les cercles de soins Dans la première vidéo, « Au-delà des préjugés », nous avons montré comment les préjugés entourant la consommation d’opioïdes nuisent aux personnes qui cherchent à traiter leur douleur. Or, les préjugés sont vécus différemment d’une personne à l’autre. 

Voici Marie. 

Marie est une femme des Premières Nations qui vit dans une collectivité éloignée, à plusieurs heures de l’hôpital le plus près. Elle a des antécédents de consommation d’opioïdes (« Droguée! ») et est enceinte de son premier enfant. (« Ils vont le savoir! ») En tant que personne autochtone, les préjugés auxquels Marie est confrontée par rapport à sa consommation d’opioïdes sont aggravés par le racisme institutionnel et le colonialisme. Et en tant que femme enceinte, elle subit encore plus de préjugés. (« Ils vont te l’enlever! ») 

Enfin, Marie arrive à l’hôpital et est prête à donner naissance. Les douleurs de l’accouchement ont déjà commencé, et elle espère obtenir un soulagement. Mais lorsque le médecin voit que Marie est autochtone (« Peut-être une toxicomanel; Elle va vouloir se droguer par intraveineuse; Vérifie dans son dossier! ») Il la bombarde de questions. (« Quelles autres drogues prenez-vous? Consommez-vous toujours? Savez-vous que votre bébé risque d’être en sevrage? Devrais-je appeler les services de protection de l’enfance? ») 

Marie essaie de se défendre, mais elle est honteuse, elle souffre et elle a peur. Enfin, après discussion, Marie reçoit une épidurale et donne naissance à son enfant. (« Ils ne te laisseront pas la garder. »)

Plus tard, Marie demande comment soulager ses éventuelles douleurs. (« À la recherche de drogue; un danger pour son enfant! »; « Je ne vous prescrirai pas d’opioïdes. Et je pourrais devoir vous signaler aux services de protection de l’enfance. Si vous consommez à nouveau, vous risquez de perdre la garde de votre bébé. » 

« Perdre ton enfant… perdre ton enfant! » 

Marie obtient son congé de l’hôpital, mais la honte et la peur ne la quittent pas. (« Irresponsable! »; « Mauvaise mère! »; « Ils vont te dénoncer! ») Se rappelant à quel point elle s’est sentie jugée, elle évite d’aller à la clinique. Et lorsqu’elle a besoin d’aide pour gérer sa consommation d’opioïdes, la peur de perdre sa fille l’empêche d’en demander. Mais les choses n’ont pas à être ainsi. Les professionnels de la santé doivent apprendre à quel point le colonialisme et la séparation forcée des enfants ont traumatisé les communautés autochtones et miné leur confiance dans le système de santé. Ils doivent aussi apprendre de quelle façon les préjugés empêchent les patients d’obtenir l’aide dont ils ont besoin. Notre système de santé doit intégrer la culture autochtone offrir un meilleur soutien aux familles et éliminer les menaces de séparation. Mais surtout, les patients doivent être traités avec respect, dignité et compassion. 

Pour en savoir plus sur ce que vous pouvez faire pour combattre les préjugés, rendez-vous sur le subjectmatter.ca/cerclesdesoins.
Le traitement de la douleur dans le TUO Le traitement de la douleur dans le TUO

Le traitement de la douleur dans le TUO

Faisons une expérience par la pensée. Imaginez que vous avez un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes (TUO), ou « dépendance aux opioïdes ». Cette affection peut toucher n’importe qui et avoir des effets dévastateurs.

Le traitement de la douleur dans le TUO

Faisons une expérience par la pensée. Imaginez que vous avez un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes (TUO), ou « dépendance aux opioïdes ». Cette affection peut toucher n’importe qui et avoir des effets dévastateurs.

Produit par: Subject Matter Health Research Lab
Audio disponible en anglais seulement.

Faisons une expérience par la pensée. Imaginez que vous avez un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes (TUO), ou « dépendance aux opioïdes ». Cette affection peut toucher n’importe qui et avoir des effets dévastateurs. Mais vous avez demandé de l’aide. La méthadone fait partie de votre traitement. Avec l’aide de ce médicament, du soutien et beaucoup de travail, vous avez une vie plus stable depuis près de deux ans. Mais les préjugés vous collent toujours à la peau. Et ils entraînent des difficultés majeures, notamment lorsque vous avez besoin de traiter une douleur aiguë.

Imaginez maintenant que vous vous cassez le bras. Vous êtes à l’urgence, et comme vous souffrez beaucoup, la médecin veut vous prescrire quelque chose pour vous soulager. Vous mentionnez la méthadone parce que vous savez que c’est important.

« En manque », « toxicomane », « risque élevé »…

Même s’il est courant de prescrire des analgésiques opioïdes pour ce type de blessure, vous sentez que la médecin ne vous fait pas confiance.

« Hum, il va vous falloir consulter votre fournisseur de méthadone. »

Vous recevez une dose d’analgésique et rentrez chez vous avec votre mal et un sentiment de rejet. Vous regrettez d’avoir parlé de la méthadone.

À la clinique de méthadone, le médecin vous dit qu’il ne s’occupe que la méthadone, et que vous devriez plutôt consulter votre médecin de famille.

Or, votre médecin ne peut pas vous voir avant la semaine prochaine. Et c’est maintenant que vous avez mal. Alors vous essayez le sans rendez-vous. Cette fois, vous ne parlez pas de la méthadone et on vous prescrit une faible dose d’opioïdes pour une courte durée.

À la pharmacie, le pharmacien regarde votre dossier.

« Ordonnances multiples », « risque de surdose », « diversion »…

Il vous sermonne sur le mélange de médicaments.

« Problème de drogue », « toxicomane »…

« À quoi bon »…

Le découragement vous guette, mais vous avez espoir que votre médecin de famille pourra vous aider. Mais avant votre rendez-vous, vous devez passer un test de dépistage de drogues.

« Difficile », « toxicomane »…

Votre médecin vous prescrit à contrecœur une autre faible dose d’opioïdes pour une courte durée. Elle vous dit que c’est votre fournisseur de méthadone qui devrait gérer la situation, et que votre dose devrait peut-être être augmentée.

Vous avez couru partout, vous ressentez de la frustration par rapport à ce que vous avez subi et votre douleur persiste. Vous vous sentez à court d’options. Que faites-vous? Vous recourez à une mesure que vous croyiez avoir abandonnée pour de bon : vous contactez un vendeur de drogues.

Vous savez que ce n’est pas sans danger, mais c’est une option pratique et disponible – et vous faites confiance à votre vendeur. Votre douleur est enfin soulagée, mais vous avez honte et craignez d’avoir ruiné vos progrès.

« Incapable », « échec »…

Maintenant, reprenons du début. Mais cette fois, les intervenants sont conscients de leurs préjugés, et des changements systématiques ont été apportés pour réduire l’impact de ceux-ci sur les soins reçus.

Lorsque vous dites que vous prenez de la méthadone, plutôt que de réagir avec méfiance et gêne, les intervenants vous posent des questions importantes :

« Depuis combien de temps prenez-vous cette dose de méthadone? »

Plutôt que de porter un jugement rapide, on dresse un tableau plus complexe de la situation. On vous dit que votre douleur devrait être traitée efficacement et suivie de près.

« À quand remonte la dernière fois que vous avez consommé d’autres opioïdes? »

On comprend que vous pourriez avoir besoin de doses plus élevées pour bien traiter votre douleur. On vous explique que chez certaines personnes ayant eu un trouble d’utilisation de substances, le cerveau perçoit la douleur différemment.

« Que diriez-vous de traiter votre douleur à l’aide d’un opioïde de plus? »

Les intervenants savent qu’augmenter votre dose de méthadone risque d’être peu efficace.

« Ce plan vous convient-il? »

On comprend que la détresse d’une douleur aiguë non traitée accroît le risque d’avoir recours à d’anciennes stratégies d’adaptation.

Maintenant que vous avez toute l’information nécessaire, vos professionnels de la santé et vous convenez d’un plan de traitement, ensemble.

Ce n’est pas simple, mais avec l’aide de votre équipe soignante, votre traitement donne de bons résultats. L’analgésique opioïde est réduit à mesure que votre douleur diminue, et vous continuez de prendre votre dose régulière de méthadone. Imaginez comment vous vous sentez maintenant.

Les préjugés humilient et discréditent les personnes ayant un trouble lié à l’utilisation d’opioïdes, et ils amènent les systèmes de santé à exclure les patients et à les couper des soins. Pour remédier à cela, les gens doivent prendre conscience de leurs biais, et les systèmes enracinés dans la stigmatisation doivent être réformés. Ce n’est que là que les patients obtiendront les soins bienveillants et fondés sur les données probantes qu’ils méritent.

Nous pouvons aller au-delà des préjugés.
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Plusieurs d’entre nous se battent vraiment fort, mais ce n’est pas facile lorsque vous n’avez pas d’aide.  J’aimerais qu’on entende mon message. Prenez le temps de me connaître (ou alors dites franchement que vous ne voulez pas me connaître), mais ne me regardez pas de haut, car vous ne me connaissez pas.

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Conséquences de la stigmatisation

Ne me regardez pas de haut


Lenora :

J’ai peur chaque fois que j’entends une ambulance, car je me dis que c’est peut-être quelqu’un que je connais.

J’ai 50 ans et je suis mère de deux filles. Mes filles sont intelligentes et merveilleuses. Je suis si fière d’elles et elles me rendent heureuse. Je suis aussi grand-mère et mes petits-enfants me rendent heureuse eux aussi. Leur seule présence me comble, et être vivante et sobre me rend heureuse.

Je suis née aux États-Unis et mes parents ont déménagé au Canada. J’ai grandi dans une famille aux prises avec l’alcoolisme. J’étais le mouton noir de la famille. Ma mère et moi n’avons jamais été très proches. Enfant, j’ai été victime de violence physique et psychologique. Je vis maintenant à Prince George et je combats la dépendance depuis plusieurs années. Ça a été une vraie folie. Je vis dans une maison de transition. J’y suis vraiment bien et cela m’a aidée à être sobre depuis les trois dernières années.

C’est important d’habiter dans un lieu sûr. Le logement, c’est très important, car si vous n’avez pas une place convenable pour vivre,  vous n’êtes pas en sécurité. C’est fou dehors et ça l’est de plus en plus. Un bon logement, c’est propre et ça offre une certaine sécurité comme une entrée avec un interphone qui empêche les intrus de défoncer la porte de chez vous à coups de pied. Un logement salubre est propre,  sûr, et dans un quartier agréable.

J’aime les gens. Je crois qu’il y a quelque chose de bien en chaque personne. Je ne juge personne. J’aime aider les gens lorsqu’ils vivent un moment difficile pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls et que tout peut s’arranger. Faire en sorte qu’une personne se sente bien et utile, qu’elle n’ait pas peur me rend heureuse.

J’aide les gens en leur offrant un sourire et en leur demandant « Salut, comment ça va? » . J’entame la conversation si je sens qu’une personne a besoin d’aide. Je leur dis « Bon matin » ou « Comment allez-vous aujourd’hui? ». J’aide les aînés à traverser la rue et j’essaie simplement d’être heureuse et de partager ma joie avec tous ceux que je rencontre. Si je peux faire sourire quelqu’un, ça me fait sentir bien.

Pour moi, la dépendance, c’est le chaos. Elle entraîne des dommages collatéraux. Je me suis détruit la santé avec le VIH et l’hépatite C. La dépendance a eu de très grandes conséquences pour ma famille. Mes parents, mes frères et sœurs et moi ne nous parlons plus, on me rejette à cause de ma situation.

Mes filles m’apportent un grand soutien. Elles m’aiment sans condition. Elles ne me jugent pas. Elles sont là pour moi si j’en ai besoin de quoi que ce soit et elles m’aiment, tout simplement, sans me rejeter ou avoir honte de moi. Je remercie le bon Dieu qu’elles n’aient pas suivi mes traces. Elles me soutiennent vraiment.

Si tout le monde me traitait de la même manière que mes filles me traitent, toute notre communauté serait extraordinaire. Il ne devrait pas y avoir de place pour le jugement et les stéréotypes parce que des gens sont malades, ou qu’ils vivent de l’aide sociale, ou encore parce qu’ils ont le VIH ou sont alcooliques. C’est stupide. Il n’y a pas de raison que cela soit comme ça. Nous sommes supposés être tous égaux. Nous sommes supposés aimer nos voisins, mais ce n’est plus comme ça aujourd’hui. C’est horrible. Dès que tu vis une dépendance, on ne te laisse plus aucune chance. Je suis sobre depuis quatre ans, mais ça ne compte pas, on n’en tient pas compte. Je suis étiquetée comme une droguée. Je suis une bonne à rien. Comment pouvez-vous me voir ainsi ? Vous ne me connaissez même pas. Ça me rend malade que la société soit comme ça.

J’ai remarqué comment on me traite dès que le docteur ou les employés de l’hôpital entrent mon numéro de carte-santé « Oh, une droguée. Allez-vous asseoir. On s’occupera de vous plus tard ».  Ce n’est pas correct. Moi, je ne juge pas les gens, jamais. Certains d’entre nous avons des parcours différents, cela ne veut pas dire qu’on ait choisi ce parcours. On se sent vides et on se dit : « Pourquoi essayer de m’en sortir, ça ne sert à rien. »

Traitez-moi comme je vous traite, sans juger. Apprenez d’abord à me connaître. Prenez quelques minutes pour vous intéresser à moi avant de décider qui je suis. Les difficultés que j’éprouve dans ma vie ne devraient pas vous influencer. La plupart d’entre nous n’avons pas demandé à être dans cette situation. Plusieurs d’entre nous se battent vraiment fort, mais ce n’est pas facile lorsque vous n’avez pas d’aide.  J’aimerais qu’on entende mon message. Prenez le temps de me connaître (ou alors dites franchement que vous ne voulez pas me connaître), mais ne me regardez pas de haut, car vous ne me connaissez pas. On est supposés aimer notre prochain, soutenir notre prochain.  Mais on dirait que ça ne compte plus.

La crise des surdoses ne va pas s’arrêter. Les gens vont continuer de consommer et ne cesseront pas. C’est comme ça. Si nous avions un site d’injection avec une infirmière sur place, ça pourrait aider. Et si un plus grand nombre d’entre nous avions des trousses de naloxone. Je ne sais pas. Le jugement ne fait qu’empirer le problème des surdoses. Le jugement fait qu’une personne qui a une dépendance sent qu’elle ne vaut rien, qu’elle n’est qu’un tas de merde. Excusez mon langage, mais c’est une situation qui existe depuis des années et je ne sais pas comment réagir autrement. Chaque fois que j’entends la sirène d’une ambulance, j’ai peur que ce soit pour quelqu’un que je connais. J’ai perdu un ami ainsi il y a quatre mois. C’est horrible.

Credit:

Produit par Northern Health BC (disponible en anglais seulement)

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J’aimerais que les gens comprennent que je n’ai pas voulu vivre cette dépendance. C’est comme une maladie. Cela peut arriver à tout le monde, peu importe d’où l’on vient.

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Pourquoi les mots comptent

Je n’ai pas voulu vivre cette dépendance


Trevor :

Je suis né à Dawson Creek et j’ai été élevé à Prince George. J’ai grandi sur l’autoroute Hart. Je viens d’une bonne famille (mon père conduisait une cantine-mobile et ma mère était femme au foyer. J’ai étudié à l’école secondaire Kelly Road.

Je ne réussissais pas très bien à l’école et on m’a foutu à la porte en 8e année. J’ai fréquenté irrégulièrement différentes écoles et j’ai choisi de quitter la maison à l’âge de 16 ans. J’ai commencé à me tenir au centre-ville. Je n’ai pas demandé d’être dépendant à la drogue. C’est arrivé, tout simplement.

Mon épouse et moi on est aujourd’hui des sans-abris. Et on lutte contre la dépendance. Au cours des dernières années, nous avons alterné entre la sobriété et la consommation, mais nous avons encore parfois des rechutes. L’itinérance est un problème que nous traversons régulièrement. Quand nous n’avons pas de place pour vivre, nous errons dans le centre-ville et n’avons nulle part où aller. Les gens nous évitent parce qu’ils nous voient constamment dans le centre-ville et qu’ils nous étiquettent. C’est vraiment difficile lorsqu’on recherche une place. Et pas seulement parce que nous sommes dépendants aux drogues, mais aussi parce que nous sommes autochtones. Juste en me voyant, ils s’imaginent que je suis alcoolique. Mais je n’ai pas bu depuis 8 ans.

Qu’est-ce que j’aimerais que les gens sachent sur la dépendance ? Que ça peut arriver à tout le monde, quelle que soit la couleur de notre peau, notre race, d’où nous venons.

J’ai vu beaucoup de gens qui possédaient leur propre compagnie dire : « Ça ne m’arrivera jamais ». Et pourtant, ça leur est arrivé. C’est fou. On ne l’a pas cherché.

Pour moi, les conséquences de ma dépendance ont été assez difficiles. À l’hôpital, dès que les infirmières savent que je consomme ou  consommais des drogues (même si cela faisait 10 ans que je n’avais pas consommé), elles m’étiquettent comme à la recherche de drogue. Beaucoup de gens refusent d’aller à l’hôpital à cause de cette discrimination.

Lorsque je cherche une place ou que j’entre dans un commerce, j’ai le sentiment que les gens me jugent au premier coup d’oeil : « t’es un bon à rien » ou « tu es un drogué ». Simplement en marchant dans le centre-ville, tu sens le regard des gens, un regard qui dit que tu n’as pas d’affaire là. C’est difficile.

Je suis aussi humain que vous, mais j’ai une dépendance. Toutes ces étiquettes sont dures, c’est triste. J’ai presque l’impression que je ne suis pas un être humain. C’est vraiment dur.

J’aimerais être traité comme toute autre personne, avec un peu plus de respect. Ne m’évitez pas. Si vous ne me connaissez pas, venez me voir et posez-moi des questions. J’aime parler aux gens. Je suis pair-aidant pour une organisation, je vais dans les écoles pour dire aux jeunes de ne pas suivre mes traces. Je ne veux pas qu’ils finissent comme moi. Et si j’ai convaincu ne serait-ce que quelques-uns d’entre eux, alors ça aura valu la peine.

J’aimerais que les gens comprennent que je n’ai pas voulu vivre cette dépendance. C’est comme une maladie. Cela peut arriver à tout le monde, peu importe d’où l’on vient. Commençons à traiter ces gens avec respect et cessons de penser à eux comme étant seulement des drogués. Nous avons tous besoin d’aide.

J’aimerais aussi parler de toutes ces surdoses qui surviennent à Prince George. Ce serait réellement bien qu’il y ait un site d’injection supervisé. Les gens ne cesseront pas de prendre des drogues, alors au moins ils peuvent le faire en présence d’une infirmière plutôt que seuls cachés derrière un buisson ou dans une ruelle. Une infirmière pourra au moins leur donner une dose de Narcan [naloxone]. C’est une chose pour laquelle je me bats à Prince George.

La stigmatisation est la raison pour laquelle il est si difficile d’avoir un site d’injection supervisé à Prince George. Certaines personnes, certains propriétaires de commerce sont contre et essaient de les empêcher. Et c’est parce qu’on les stigmatisent que les gens se cachent pour consommer seuls. Et c’est la raison pour laquelle il y a tant de victimes de surdoses. Il y en aurait beaucoup moins s’il existait un site d’injection supervisé.

Lorsque vous croisez des personnes qui semblent être dépendantes des drogues, ne les évitez pas. Allez leur parler. Écoutez leur histoire. Posez-leur des questions. Vous pourriez être surpris de découvrir qui ils sont. Comme j’ai dit plus tôt, ça peut arriver à tout le monde. Je n’ai jamais demandé à être dépendant des drogues, je n’ai jamais pensé que cela pouvait m’arriver. Ça peut arriver à tout le monde. Que voulez-vous que les gens sachent sur vous ? Qu’est-ce qui vous rend heureux ?

J’aime me promener, aller au parc. J’aime parler aux gens. J’aime être en compagnie de mon épouse.

Mon chat me manque. Nous avons un chat depuis six ans, mais étant sans abri, nous avons dû nous en séparer jusqu’à ce que nous trouvions une place où loger. Il s’appelle Stink-Stink [Pue-Pue]!

Ce qui me rend heureux ? Quand on ne me discrimine pas. J’aime me sentir en sécurité. Ce serait génial d’avoir une place où aller et vivre. Les gens qui vivent une dépendance ont besoin d’une place sûre où se réfugier. Vivre dans la rue rend les choses encore pire.

Je me sens fier lorsque je vais dans une école pour parler aux jeunes. Quelques-uns m’ont même écrit des lettres. Je les garde précieusement au centre Positive Living North. Une fois de temps en temps, je les relis. Cela me motive à continuer à faire ce que je fais. C’est agréable.

Je veux aussi que les gens sachent que je suis très actif comme pair-aidant. Je vais dans les écoles, je dis aux jeunes de ne pas faire ce que j’ai fait. Je leur raconte mon histoire et ce qui m’a amené où je suis. Je ne veux pas qu’ils fassent les mêmes erreurs que moi. J’adore être un pair-aidant. Ça me rend heureux d’essayer de faire une différence dans la vie ne serait-ce que d’une ou deux personnes.

Credit:

Produit par Northern Health BC (disponible en anglais seulement)

Mettons fin à la honte entourant la dépendance Mettons fin à la honte entourant la dépendance

Mettons fin à la honte entourant la dépendance

Shane Baker est membre de la Première nation Gitxsan. Il est un homme autochtone fier de vivre à Victoria et, à la lumière de la crise actuelle des opioïdes, il a une histoire particulière à partager.

Mettons fin à la honte entourant la dépendance

Shane Baker est membre de la Première nation Gitxsan. Il est un homme autochtone fier de vivre à Victoria et, à la lumière de la crise actuelle des opioïdes, il a une histoire particulière à partager.

Audio disponible en anglais seulement

Narrateur :

Nous devons mettre fin à la honte entourant la dépendance.

Nous devons en discuter ouvertement  dans nos foyers, nos lieux de travail et nos communautés.

À l’écran :

Entamez la discussion sur l’utilisation des drogues.

Parlez-en en famille et avec vos amis.

La mort par surdose peut être évitée.

Pour en savoir plus : FNHA.ca/overdose
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Une communauté aimante peut faire une grande différence. Dans une communauté aimante, les gens qui ont une dépendance ou autre se sentiront aimés et désirés et cela aura un effet positif sur leur moral.

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Conséquences de la stigmatisation

Une communauté aimante peut faire une grande différence


Marlene :

J’ai toujours pensé que j’élèverais une famille parfaite, mais ce n’est pas comme ça que les choses ont tourné. Pourtant j’aime tellement mes enfants et je tente de les aider. 

J’ai une famille de cinq enfants, trois filles et deux garçons. J’ai perdu mon mari et mon garçon en 2011. Mon mari, Ron, est mort le 5 février; il avait la tuberculose. Mon fils Kevin est décédé trois semaines plus tard, le 3 mars.

À l’hôpital, nous étions constamment à leur chevet, nous avons prié et espéré qu’ils survivent, mais leur temps était venu, il était temps pour eux de partir. Ce fut extrêmement difficile pour nous. Aujourd’hui, trois de mes cinq enfants sont dépendants des drogues et cela a été très éprouvant pour moi. 

Les dépendances des membres de ma famille ont été extrêmement difficiles pour moi. J’ai eu une crise cardiaque lorsque mon mari et mon fils sont décédés. Je prenais en permanence des antidépresseurs. J’ai tenté de me suicider à plusieurs reprises parce que je ne supportais pas de vivre comme ça. À un moment, j’étais moi aussi sur la pente descendante et je ne voulais pas être là. Ma fille Jolene m’a sauvée. Elle m’a pris sous son aile et je vis maintenant avec elle depuis 10 ans. 

Ma situation actuelle me rend heureuse. Je vis avec ma fille Jolene; j’ai aussi Genny [ma fille] dans ma vie. J’ai mon autre fils, mais il est encore dépendant. Je suis simplement heureuse de ma vie actuelle. J’ai une vie, j’ai une famille merveilleuse, et c’est ce qui compte pour moi. Je suis une personne aimante et attentionnée. J’ouvre mon cœur à tous ceux qui veulent parler de dépendance ou qui veulent savoir ce que c’est que d’être la mère d’enfants qui sont dépendants des drogues. 

J’ai toujours pensé que j’élèverais une famille parfaite, mais ce n’est pas comme ça que les choses ont tourné. Pourtant j’aime tellement mes enfants et je tente de les aider.  Je me suis sentie profondément blessée parce que mes enfants étaient traités comme s’ils avaient une maladie contagieuse. Les gens les fuyaient. La communauté les jugeait et je n’aimais pas cela. Nous sommes tous des êtres humains, nous souffrons tous de la même façon. Mais ce sont mes enfants, ils sont ma vie et je ferais n’importe quoi pour les protéger. Je sais qu’ils ont une dépendance, mais je ne les ai pas abandonnés. 

Il est très important de soutenir les gens qui vivent une dépendance, ils sentent alors que quelqu’un s’intéresse à eux et les aime. Moi, j’aime les gens. J’aime les gens tout simplement. Pas seulement ma famille, mais aussi les gens qui vivent dans la rue. Je les aime tous. Il y a une raison pour laquelle ils sont rendus là. On ne se lève pas un matin en se disant « Tiens, je vais prendre des drogues ». Il y a une raison pour cela. J’ouvre mon cœur à toute personne qui a une dépendance. Plusieurs personnes qui vivent dans la rue m’appellent « maman » ou me font des câlins. Je trouve ça bien! Ces gens aussi ont besoin d’amour.  

Une communauté aimante peut faire une grande différence. Dans une communauté aimante, les gens qui ont une dépendance ou autre se sentiront aimés et désirés et cela aura un effet positif sur leur moral. Tout le monde veut être aimé, mais je connais beaucoup de gens qui consomment des drogues, qui sont très malades et se retrouvent à l’hôpital où on les renvoie à cause de leur dépendance. C’est injuste. Peu importe qui vous êtes ou ce que vous faites, vous avez besoin d’attention et de soin médicaux. Ayez confiance en ces gens. Soyez là pour eux. Montrez-leur que vous les aimez. Même si vous ne les connaissez pas, vous pouvez les aimer. Vous avez un cœur et eux aussi. Soyez là pour eux et montrez-leur que quelqu’un est là pour eux. 

Ne perdez pas espoir. Il y a toujours de l’espoir.

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J’aimerais avoir une personne avec qui discuter face-à-face, sans avoir peur d’être jugé à cause de mon passé ou des choses que j’ai faites.

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Témoignages de rétablissement

Plus les gens doutent de toi


Jeremy : Je suis né à Hazelton, en Colombie-Britannique et j’y ai vécu jusqu’à l’âge d’environ 26 ans. J’allais bien à cette époque. Je vivais avec mon grand-père et je n’avais jamais de problèmes. J’ai ensuite déménagé à Prince Rupert. C’est là que tout a basculé : j’ai commencé à faire la fête et ce genre de choses. J’ai commencé à consommer des drogues, et beaucoup. Et ça fait 25 ans maintenant que j’entre et sors de prison, en me battant contre ça. Au début, quand j’étais plus jeune, c’était des dépendances légères, je fumais un peu de mari et je buvais de l’alcool une fois de temps en temps. C’est à Prince Rupert que j’ai pris pour la première fois de la cocaïne. Je ne consommais pas beaucoup, disons que je faisais la fête les weekends. C’est que je faisais pendant mes quelques années à Rupert, boire et faire la fête. C’est lorsque j’ai déménagé à Prince George que j’ai vraiment découvert ce qu’était le milieu de la drogue et où cela pouvait vous mener, car cela n’a pris que six mois après mon déménagement pour que je foute les choses en l’air. Ça n’a pris que six mois pour que je tombe.  Je ne me suis même pas rendu compte de ce qui se passait avant qu’il ne soit trop tard. J’étais accro et j’avais développé une dépendance. C’est arrivé tellement vite. Et depuis, je sors puis je retourne en prison, à cause de mes habitudes de consommation. Mais je ne veux plus vivre comme ça. J’ai passé beaucoup trop d’années là-bas en haut de la colline [en prison]. Beaucoup trop. Je suis sobre depuis 18 mois maintenant et c’est toujours aussi difficile, car que vous soyez sobre ou non, on vous traite comme une personne qui consomme. C’est dur que ça soit comme ça. J’ai distribué mon curriculum vitae, j’ai travaillé à quelques endroits. Comme je suis une personne du centre-ville, je connais tout le monde dans le coin. J’essaie d’aider les gens qui y vivent, je les accompagne, je leur parle. Mais plus je parle à ces gens et tente de les aider, plus on me considère comme étant l’un des leurs, faisant ce qu’ils font. Juste parce que j’essaie de les aider et d’être avec eux, on me prend pour un revendeur de drogue. Et les gens croient que je consomme. J’ai fait une rechute une fois en 18 mois et je me suis tout de suite repris. Je me suis dit « Non, ce n’est pas là que je veux retourner » et j’ai laissé ma copine pour cette raison. Je ne voulais plus reprendre ce mode de vie alors j’ai juste dit non. Je devais absolument m’éloigner de mon amie parce que ce n’était plus ce que je voulais pour moi. Je passe des tests d’urine une fois par semaine à la clinique de méthadone. Je ne consomme aucune drogue, je le sais bien car ils me font mes tests chaque semaine. Et pourtant, ça ne change rien. Même si vous êtes sobre, ils vous étiquetteront comme un consommateur de drogue à cause de votre passé. J’ai dit tellement de fois que j’arrêtais de consommer au point où les gens me répondent « Ouais, on a déjà entendu ça! ». Peu importe mes efforts pour me défendre et prouver que je suis sobre et que je suis sur la bonne voie, il y a toujours quelqu’un pour dire que ça ne durera pas. Les gens ne vous croient vraiment pas. Ils continuent de vous étiqueter comme un drogué et pensent : « bon, il est en train de se reprendre, mais qu’est-ce que ce sera dans deux semaines ? Est-ce qu’il se dirige directement vers une rechute ? ». C’est ainsi que ça se construit, et les gens continuent de douter de vous. Plus vous restez sobre longtemps, plus ils sont convaincus que vous allez échouer. Ils se disent que plus longtemps vous restez sobre, pire sera votre rechute. Mais pour moi, c’est différent. Je n’ai même plus envie de consommer. Je prends de la méthadone chaque jour et cela m’aide beaucoup à m’en passer. Lorsque ça va bien, tu t’attends à ce qu’on te félicite, qu’on te dise « Oh, c’est bien » ou « Beau travail » ou ce genre de choses. On dirait que plus tu restes sobre longtemps, plus les gens doutent de toi. Et quand il y a plein de gens qui doutent de ce que tu fais, cela te fait te demander si cela rime à quelque chose de faire tout ça. Tu dois alors comprendre qu’en réalité, tu fais ces efforts pour toi, pas pour les autres. C’est ce qui me motive à continuer. Mais il y a plein de gens qui ne peuvent supporter ces critiques de la part de ceux qui ne consomment pas. Il y a tellement de gens qui veulent changer leur vie, mais on dirait que plus ils essaient, plus cela devient difficile. Les conséquences de la dépendance ? Cela a changé ma vie de tant de façons! Juste au moment où tu commences à penser que les choses vont bien, il y a quelque chose qui arrive. Tu finis par perdre espoir au bout d’un moment. Et pour moi, c’est tout ou rien et c’est pourquoi j’ai arrêté complètement. J’ai quitté ma ville natale. Je devais le faire parce que je connaissais trop de gens qui consommaient et il fallait donc que je m’éloigne. Je voudrais être traité avec respect. Les gens semblent penser que quand tu vas bien, ils doivent tenter de te faire tomber. J’essaie de traiter les gens vraiment bien parce que mon grand-père m’a appris qu’il faut traiter les autres comme on voudrait qu’ils nous traitent. Même si j’ai mené une vie marquée par la drogue, j’ai toujours tenté de traiter les autres avec respect, mais on ne m’a pas rendu la pareille. « Tu vas juste mourir de toute façon ». C’est ce que se disent beaucoup de gens quand ils croient que tu es un héroïnomane. Chaque fois que vous plantez une aiguille dans votre bras, vous jouez à la roulette russe. Beaucoup de gens se disent : « Bah, un autre drogué parti. Par surdose. Y a pas de soucis. Il n’avait probablement pas de famille, qui pouvait-il avoir dans sa vie? ». C’est ce que pensent beaucoup de personnes lorsqu’un accro est trouvé mort. Quelques-uns de mes amis à Vancouver sont décédés de surdose. Un centre d’injection supervisé serait un premier pas dans la prévention des surdoses, parce qu’il y aurait des gens, des infirmiers sur place au cas quelque chose arriverait. Ils auraient le matériel nécessaire. Au centre culturel de jour The Fire Pit où je travaillais, lorsque quelqu’un faisait une surdose, nous n’avions que ces petites trousses d’adrénaline. Et à un moment, à l’intérieur de trois semaines, deux ou trois personnes ont fait des surdoses, juste à côté du Centre, sur le trottoir. C’est fou. J’aimerais simplement que quelqu’un me parle normalement. Bien sûr, j’ai eu une vie difficile, pour la plupart, à cause des décisions que j’ai prises. J’ai fait des erreurs et je dois maintenant passer au travers. Mais ne soyez pas méprisants ou ne me regardez pas de haut.  J’aimerais avoir une personne avec qui discuter face-à-face, sans avoir peur d’être jugé à cause de mon passé ou des choses que j’ai faites. Je veux simplement être Jeremy, pas « Jeremy le drogué » ou « Jeremy le voleur » ou quoi que ce soit du genre.

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