Je n’ai pas voulu vivre cette dépendance

L’histoire de Trevor – Produit par Northern Health BC (disponible en anglais seulement)
Addiction isn't something I asked for quote in french

Trevor :

Je suis né à Dawson Creek et j’ai été élevé à Prince George. J’ai grandi sur l’autoroute Hart. Je viens d’une bonne famille (mon père conduisait une cantine-mobile et ma mère était femme au foyer. J’ai étudié à l’école secondaire Kelly Road.

Je ne réussissais pas très bien à l’école et on m’a foutu à la porte en 8e année. J’ai fréquenté irrégulièrement différentes écoles et j’ai choisi de quitter la maison à l’âge de 16 ans. J’ai commencé à me tenir au centre-ville. Je n’ai pas demandé d’être dépendant à la drogue. C’est arrivé, tout simplement.

Mon épouse et moi on est aujourd’hui des sans-abris. Et on lutte contre la dépendance. Au cours des dernières années, nous avons alterné entre la sobriété et la consommation, mais nous avons encore parfois des rechutes. L’itinérance est un problème que nous traversons régulièrement. Quand nous n’avons pas de place pour vivre, nous errons dans le centre-ville et n’avons nulle part où aller. Les gens nous évitent parce qu’ils nous voient constamment dans le centre-ville et qu’ils nous étiquettent. C’est vraiment difficile lorsqu’on recherche une place. Et pas seulement parce que nous sommes dépendants aux drogues, mais aussi parce que nous sommes autochtones. Juste en me voyant, ils s’imaginent que je suis alcoolique. Mais je n’ai pas bu depuis 8 ans.

Qu’est-ce que j’aimerais que les gens sachent sur la dépendance ? Que ça peut arriver à tout le monde, quelle que soit la couleur de notre peau, notre race, d’où nous venons.

J’ai vu beaucoup de gens qui possédaient leur propre compagnie dire : « Ça ne m’arrivera jamais ». Et pourtant, ça leur est arrivé. C’est fou. On ne l’a pas cherché.

Pour moi, les conséquences de ma dépendance ont été assez difficiles. À l’hôpital, dès que les infirmières savent que je consomme ou  consommais des drogues (même si cela faisait 10 ans que je n’avais pas consommé), elles m’étiquettent comme à la recherche de drogue. Beaucoup de gens refusent d’aller à l’hôpital à cause de cette discrimination.

Lorsque je cherche une place ou que j’entre dans un commerce, j’ai le sentiment que les gens me jugent au premier coup d’oeil : « t’es un bon à rien » ou « tu es un drogué ». Simplement en marchant dans le centre-ville, tu sens le regard des gens, un regard qui dit que tu n’as pas d’affaire là. C’est difficile.

Je suis aussi humain que vous, mais j’ai une dépendance. Toutes ces étiquettes sont dures, c’est triste. J’ai presque l’impression que je ne suis pas un être humain. C’est vraiment dur.

J’aimerais être traité comme toute autre personne, avec un peu plus de respect. Ne m’évitez pas. Si vous ne me connaissez pas, venez me voir et posez-moi des questions. J’aime parler aux gens. Je suis pair-aidant pour une organisation, je vais dans les écoles pour dire aux jeunes de ne pas suivre mes traces. Je ne veux pas qu’ils finissent comme moi. Et si j’ai convaincu ne serait-ce que quelques-uns d’entre eux, alors ça aura valu la peine.

J’aimerais que les gens comprennent que je n’ai pas voulu vivre cette dépendance. C’est comme une maladie. Cela peut arriver à tout le monde, peu importe d’où l’on vient. Commençons à traiter ces gens avec respect et cessons de penser à eux comme étant seulement des drogués. Nous avons tous besoin d’aide.

J’aimerais aussi parler de toutes ces surdoses qui surviennent à Prince George. Ce serait réellement bien qu’il y ait un site d’injection supervisé. Les gens ne cesseront pas de prendre des drogues, alors au moins ils peuvent le faire en présence d’une infirmière plutôt que seuls cachés derrière un buisson ou dans une ruelle. Une infirmière pourra au moins leur donner une dose de Narcan [naloxone]. C’est une chose pour laquelle je me bats à Prince George.

La stigmatisation est la raison pour laquelle il est si difficile d’avoir un site d’injection supervisé à Prince George. Certaines personnes, certains propriétaires de commerce sont contre et essaient de les empêcher. Et c’est parce qu’on les stigmatisent que les gens se cachent pour consommer seuls. Et c’est la raison pour laquelle il y a tant de victimes de surdoses. Il y en aurait beaucoup moins s’il existait un site d’injection supervisé.

Lorsque vous croisez des personnes qui semblent être dépendantes des drogues, ne les évitez pas. Allez leur parler. Écoutez leur histoire. Posez-leur des questions. Vous pourriez être surpris de découvrir qui ils sont. Comme j’ai dit plus tôt, ça peut arriver à tout le monde. Je n’ai jamais demandé à être dépendant des drogues, je n’ai jamais pensé que cela pouvait m’arriver. Ça peut arriver à tout le monde. Que voulez-vous que les gens sachent sur vous ? Qu’est-ce qui vous rend heureux ?

J’aime me promener, aller au parc. J’aime parler aux gens. J’aime être en compagnie de mon épouse.

Mon chat me manque. Nous avons un chat depuis six ans, mais étant sans abri, nous avons dû nous en séparer jusqu’à ce que nous trouvions une place où loger. Il s’appelle Stink-Stink [Pue-Pue]!

Ce qui me rend heureux ? Quand on ne me discrimine pas. J’aime me sentir en sécurité. Ce serait génial d’avoir une place où aller et vivre. Les gens qui vivent une dépendance ont besoin d’une place sûre où se réfugier. Vivre dans la rue rend les choses encore pire.

Je me sens fier lorsque je vais dans une école pour parler aux jeunes. Quelques-uns m’ont même écrit des lettres. Je les garde précieusement au centre Positive Living North. Une fois de temps en temps, je les relis. Cela me motive à continuer à faire ce que je fais. C’est agréable.

Je veux aussi que les gens sachent que je suis très actif comme pair-aidant. Je vais dans les écoles, je dis aux jeunes de ne pas faire ce que j’ai fait. Je leur raconte mon histoire et ce qui m’a amené où je suis. Je ne veux pas qu’ils fassent les mêmes erreurs que moi. J’adore être un pair-aidant. Ça me rend heureux d’essayer de faire une différence dans la vie ne serait-ce que d’une ou deux personnes.