Ne me regardez pas de haut

L’histoire de Lenora – Produit par Northern Health BC (disponible en anglais seulement)
Don't look down on me quote in French
Lenora :

J’ai peur chaque fois que j’entends une ambulance, car je me dis que c’est peut-être quelqu’un que je connais.

J’ai 50 ans et je suis mère de deux filles. Mes filles sont intelligentes et merveilleuses. Je suis si fière d’elles et elles me rendent heureuse. Je suis aussi grand-mère et mes petits-enfants me rendent heureuse eux aussi. Leur seule présence me comble, et être vivante et sobre me rend heureuse.

Je suis née aux États-Unis et mes parents ont déménagé au Canada. J’ai grandi dans une famille aux prises avec l’alcoolisme. J’étais le mouton noir de la famille. Ma mère et moi n’avons jamais été très proches. Enfant, j’ai été victime de violence physique et psychologique. Je vis maintenant à Prince George et je combats la dépendance depuis plusieurs années. Ça a été une vraie folie. Je vis dans une maison de transition. J’y suis vraiment bien et cela m’a aidée à être sobre depuis les trois dernières années.

C’est important d’habiter dans un lieu sûr. Le logement, c’est très important, car si vous n’avez pas une place convenable pour vivre,  vous n’êtes pas en sécurité. C’est fou dehors et ça l’est de plus en plus. Un bon logement, c’est propre et ça offre une certaine sécurité comme une entrée avec un interphone qui empêche les intrus de défoncer la porte de chez vous à coups de pied. Un logement salubre est propre,  sûr, et dans un quartier agréable.

J’aime les gens. Je crois qu’il y a quelque chose de bien en chaque personne. Je ne juge personne. J’aime aider les gens lorsqu’ils vivent un moment difficile pour qu’ils sachent qu’ils ne sont pas seuls et que tout peut s’arranger. Faire en sorte qu’une personne se sente bien et utile, qu’elle n’ait pas peur me rend heureuse.

J’aide les gens en leur offrant un sourire et en leur demandant « Salut, comment ça va? » . J’entame la conversation si je sens qu’une personne a besoin d’aide. Je leur dis « Bon matin » ou « Comment allez-vous aujourd’hui? ». J’aide les aînés à traverser la rue et j’essaie simplement d’être heureuse et de partager ma joie avec tous ceux que je rencontre. Si je peux faire sourire quelqu’un, ça me fait sentir bien.

Pour moi, la dépendance, c’est le chaos. Elle entraîne des dommages collatéraux. Je me suis détruit la santé avec le VIH et l’hépatite C. La dépendance a eu de très grandes conséquences pour ma famille. Mes parents, mes frères et sœurs et moi ne nous parlons plus, on me rejette à cause de ma situation.

Mes filles m’apportent un grand soutien. Elles m’aiment sans condition. Elles ne me jugent pas. Elles sont là pour moi si j’en ai besoin de quoi que ce soit et elles m’aiment, tout simplement, sans me rejeter ou avoir honte de moi. Je remercie le bon Dieu qu’elles n’aient pas suivi mes traces. Elles me soutiennent vraiment.

Si tout le monde me traitait de la même manière que mes filles me traitent, toute notre communauté serait extraordinaire. Il ne devrait pas y avoir de place pour le jugement et les stéréotypes parce que des gens sont malades, ou qu’ils vivent de l’aide sociale, ou encore parce qu’ils ont le VIH ou sont alcooliques. C’est stupide. Il n’y a pas de raison que cela soit comme ça. Nous sommes supposés être tous égaux. Nous sommes supposés aimer nos voisins, mais ce n’est plus comme ça aujourd’hui. C’est horrible. Dès que tu vis une dépendance, on ne te laisse plus aucune chance. Je suis sobre depuis quatre ans, mais ça ne compte pas, on n’en tient pas compte. Je suis étiquetée comme une droguée. Je suis une bonne à rien. Comment pouvez-vous me voir ainsi ? Vous ne me connaissez même pas. Ça me rend malade que la société soit comme ça.

J’ai remarqué comment on me traite dès que le docteur ou les employés de l’hôpital entrent mon numéro de carte-santé « Oh, une droguée. Allez-vous asseoir. On s’occupera de vous plus tard ».  Ce n’est pas correct. Moi, je ne juge pas les gens, jamais. Certains d’entre nous avons des parcours différents, cela ne veut pas dire qu’on ait choisi ce parcours. On se sent vides et on se dit : « Pourquoi essayer de m’en sortir, ça ne sert à rien. »

Traitez-moi comme je vous traite, sans juger. Apprenez d’abord à me connaître. Prenez quelques minutes pour vous intéresser à moi avant de décider qui je suis. Les difficultés que j’éprouve dans ma vie ne devraient pas vous influencer. La plupart d’entre nous n’avons pas demandé à être dans cette situation. Plusieurs d’entre nous se battent vraiment fort, mais ce n’est pas facile lorsque vous n’avez pas d’aide.  J’aimerais qu’on entende mon message. Prenez le temps de me connaître (ou alors dites franchement que vous ne voulez pas me connaître), mais ne me regardez pas de haut, car vous ne me connaissez pas. On est supposés aimer notre prochain, soutenir notre prochain.  Mais on dirait que ça ne compte plus.

La crise des surdoses ne va pas s’arrêter. Les gens vont continuer de consommer et ne cesseront pas. C’est comme ça. Si nous avions un site d’injection avec une infirmière sur place, ça pourrait aider. Et si un plus grand nombre d’entre nous avions des trousses de naloxone. Je ne sais pas. Le jugement ne fait qu’empirer le problème des surdoses. Le jugement fait qu’une personne qui a une dépendance sent qu’elle ne vaut rien, qu’elle n’est qu’un tas de merde. Excusez mon langage, mais c’est une situation qui existe depuis des années et je ne sais pas comment réagir autrement. Chaque fois que j’entends la sirène d’une ambulance, j’ai peur que ce soit pour quelqu’un que je connais. J’ai perdu un ami ainsi il y a quatre mois. C’est horrible.